On retrouve la Chantal Akerman de Jeanne Dielman, avec ce goût pour les silences antonioniens, les longs plans-séquence descriptifs, les gens qui communiquent peu, sur la réserve. Mais ici, on n'est pas enclos dans un appartement de Bruxelles et ses environs immédiats, on voyage. Par àc*-coups. On voit de longs travellings sur des quais de gare tristes, de longs travellings sur des rues de paris la nuit vues à travers la fenêtre d'un taxi, des chambres d'hôtels désincarnées, des couloirs de train à compartiment bondés, des employés de gare chargeant/déchargeant des colis. Il y a aussi des scènes d'entretien.

Partie à Essen assister à la projection d'un de ses films, Anna (alter-égo de Chantal Akerman) va ensuite à Cologne retrouver une amie de sa mère. Puis, sur le chemin vers paris, elle fait un arrêt à Bruxelles pour voir sa mère (elles partagent une chambre d'hôtel, pour une raison que je n'ai pas bien comprise). De retour à Paris, elle retrouve son amant, mais il a un problème de dos, elle doit chercher une pharmacie pour lui faire un massage. Puis elle rentre chez elle, écouter son répondeur, où l'attendent de nouveaux rendez-vous. On tente de la culpabiliser sur le fait qu'elle n'aie pas d'enfant, et cela semble la travailler.

Les gens qu'elle croise sont profondément usés, déprimés par la crise. Ils vivent chacun des drames domestiques de basse intensité et essaient de retenir la jeune femme, qui ne dit rien et se dérobe pour aller vers son rendez-vous suivant. Avec cette grisaille des années Giscard, des chocs pétroliers et du chômage de masse (et encore, le SIDA c'est pour bientôt). C'est donc une sorte de documentaire, dont la bande-son n'est formée que de bruits ambiants et de musiques intradiégétiques. Qui laisse se dilater les instants, quitte à en couper d'autres (on ne voit rien de l'anniversaire de la fille de l'amant d'un soir auquel Anna choisit d'assister.

Toujours ce thème du déracinement lié à la judéité, et cette ambiance pesante, sombre, éclairée de quelques moments d'intimité chaleureuse plutôt que crue. Mention spéciale à Aurore Clément, parfaite dans un rôle qui demande de donner de sa personne, en sous-jouant constamment.


Un film qui tente de reconstruire un fragment d'autobiographie, une sorte de road-movie mais en train qui traverse la grisaille de l'Europe du nord. Pas inintéressant mais encore une fois, il faut une bonne résistance à l'ennui. C'est trèès austère.

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