La France et les thrillers n'ont jamais fait bon ménage et pour peu que l'on ne supporte pas Alain Delon, les fans du genre ont du se rapatrier chez les Américains, leur Seven en 1995 ayant bouleversé pas mal de codes pour devenir une référence. Septembre 2000, Mathieu Kassovitz tacle la fourmilière et adapte le roman "Les Rivières Pourpres" de Jean-Christophe Grangé, ancien reporter qui deviendra par la suite un spécialiste du genre littéraire avec une belle série de best-sellers. Le réalisateur de La Haine nous livre donc une adaptation puissante, prête à retourner un cinéma cocorico lassé des téléfilms TF1.
Nous embarquons donc dans les Alpes françaises où deux flics que tout oppose, une légende vivante (Jean Reno) et une petite frappe têtue (Vincent Cassel), vont s'associer pour résoudre une énigme à tiroirs entourant notamment une université d'élites voisine. La transposition du livre au film n'est pas sans quelques décalages (notamment au niveau du personnage de Max) mais n'empêche pas le long-métrage d'être suffisamment fidèle au bouquin pour ne pas être scandaleusement raté au niveau de l'adaptation. Kassovitz nous offre ainsi une mise en scène "à l'américaine", avec une foule de plans soignés, à l'esthétisme renversant, agrémenté de puissantes scènes d'action chorégraphiées et de moments à suspense d'une rare efficacité.
Appuyé par l'angoissante musique de Bruno Coulais, la photographie glaçante du vétéran Thierry Arbogast et les décors naturels de l'Isère, le film se savoure avec entrain, porté par des acteurs au diapason mais dont l'interprétation reste toutefois inégale (Jean Reno est parfait en flic bourru tandis que Nadia Farès en fait des tonnes). Les quelques scènes d'autopsie viennent ponctuer le film d'un côté macabre bienvenu et les courses-poursuites enneigées viennent renforcer un côté typiquement international au produit final. Matthieu Kassovitz, très inspiré, livre donc ici un excellent quatrième long-métrage très professionnel et haletant, qui n'a rien à envier à ses sosies américains.