Sans mal le meilleur film d'Elvis Presley, Les Rôdeurs de la plaine est aussi une œuvre intelligente qui prouve, contrairement à une idée reçue, qu'on peut construire une bonne histoire avec de bons sentiments. Une violence encore rare dans ce cinéma « pré-Leone », et un refus du manichéisme trop courant dans les westerns de cette époque, permettent à ce film de faire bonne figure face à l'excellent « Vent de la plaine » de John Huston, sorti la même année sur le même thème ; il surclasse ainsi les simples plaidoyers pro-indiens aux intentions très honorables, mais aux scénarios devenus convenus en 1960.
Dans ce film de Don Siegel, Elvis Presley interprète, de façon plutôt crédible, un fils et frère aimant, métis de mère Indienne et de père Blanc, au caractère plutôt vif traînant une rancœur cachée envers sa communauté, blanche et grossière, qui lui a toujours fait sentir sa différence. Alors que la colonisation des terres indiennes pousse inévitablement les Kiowas à se rebeller, le jeune homme se sent solidaire de leur combat. Mais il est à la fois colonisé et colon et cette situation est intenable. Le conflit dans le conflit est le centre du propos.
Le récit de cette situation intéressante n'est pas linéaire et peut paraître parfois hésitant. Mais après tout, c'est comme dans la vie. La vie, même au cinéma, peut ne pas être le train qui fonce dans la nuit de Truffaut. Et le conflit dans le conflit est une douloureuse hésitation.
Personnage complexe, tendre et violent, le rôle était destiné, ai-je lu, à Marlon Brando ; ça lui aurait été comme un gant ; on devine l'effet du regard sauvage de l'acteur de Zapata.
Mais, au fond, par le choix du chanteur, le film gagne en originalité sans perdre en crédibilité ; après tout certaines sources prêtent à Presley une lointaine ascendance Cherokee.
John McIntire, que les amateurs du genre connaissent bien et Dolores Del Rio, l'héroïne de « Dieu est mort » de Ford, sont des parents convaincants (surtout lui). Steve Forrest (Alias le baron) est sobre comme il faut et les autres comédiens comme Richard Jaeckel et L.Q.Jones, se conforment à leurs personnages habituels, courts et un peu caricaturaux.
Techniquement, c'est en scope et en couleurs. Siegel, comme on le sait, filme et monte avec efficacité ; comme Wash, Hathaway, Fleischer, Douglas; il sera d'ailleurs le maître d'Eastwood. Il ne lambine pas et j'aime ça. Le petit budget force au dynamisme dans le cinéma américain : peu d'acteurs et de figurants, peu de décors, alors, il faut que ça bouge. Pas de scènes romantiques au clair de lune. La chansonnette de Presley du début finit mal et ne revient plus.
La seule fausse note est le fond musical symphonique de Cyril J. Mockridge, un peu insistant.
C'est un film parfois lyrique mais surtout réaliste et donc pessimiste. Le mélange des races et des cultures est une voie logique d'espérance, mais c'est un chemin de ronces.
J'ai revu ce « Flaming star » hier soir. Plus positif qu'après le premier visionnage de 2010, je n'hésite pas à le recommander aux amateurs du genre.

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le 14 nov. 2021

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