Produit par la Santana Pictures, fondée par Humphrey Bogart en 1947 afin de produire ses films (Tokyo Joe, le Violent ou Sirocco), ce troisième film de Nick Ray aborde l'adolescence naufragée et les jeunes rebelles, qui n'est pas sans annoncer la Fureur de vivre qu'il réalisera en 1955 avec James Dean.
J'ai lu des critiques de presse qui n'avaient pas l'air de trouver ce film très réussi, le jugeant sans grande profondeur et peu élaboré ; je ne suis pas du tout d'accord avec ces jugements, tout au plus j'accorde le fait que le message de Ray n'est peut-être pas assez appuyé et dénué d'une certaine complexité comme on pourra le voir dans d'autres films de procès à caractère social, mais pour moi, c'est indéniablement une de ses meilleures réalisations. En effet, le personnage de Nick Romano, le jeune délinquant défendu par l'avocat incarné par Bogart, est d'une grande simplification, c'est un protagoniste qui est défini comme un pur produit de son milieu social.
Et justement, le film est une réflexion pessimiste sur le poids des origines sociales, c'est le procès d'une société apte à fabriquer de la délinquance en laissant se développer des quartiers miséreux avec des gens qui n'ont pas d'autres choix que de recourir à des expédients malhonnêtes voire au crime. Ce sentiment est démontré dans le monologue final de Bogart alors que le verdict et la peine sont déjà prononcés, une scène admirable et percutante soit dit en passant, tournée en plan-séquence. On peut donc reprocher le manque de mordant de Ray dans cette démonstration, mais le film qui joue entre le film de procès et le drame social, avec en contrepoint une sensibilité de film noir dans les flashbacks évoquant les rues sordides, les taudis et les salles de billards miteuses, possède quand même un formidable impact.
Le rôle du jeune délinquant beau gosse prévu au départ pour Marlon Brando fut au final dévolu à John Derek dont c'était le premier film, un rôle assez ingrat dont il se tire parfaitement bien, tandis que George MacReady est très persuasif dans le rôle du proc un peu vicieux qui veut faire éclater la vérité, et Bogart trouve un de ses meilleurs rôles dans ce personnage d'avocat généreux et humaniste. Un film pas si connu qui mérite d'être redécouvert.