Les rapaces

Dix ans après la révolution hongroise de 1956 et l’intervention répressive de l’Union soviétique, Miklós Jancós nous transporte un siècle auparavant alors que les autorités austro-hongroises travaillent à éliminer les possibilités de voir ressurgir des pulsions révolutionnaires au sein du peuple hongrois comme ce fut le cas en 1848. Les personnes soupçonnées d’avoir participé aux actions rebelles vingt ans plus tôt sont regroupées dans une prison à ciel ouvert au beau milieu des prairies sans horizon de la Hongrie. Les chefs militaires ont la mission d’identifier les principaux acteurs du mouvement dont la tête dirigeante Sándor Petófi. La tactique pour parvenir à leur fin est de faire miroiter à des détenus une libération s’ils dénoncent leurs comparses. Le film se déploie à partir de cette intention mais sans véritable intrigue. On assiste à une série d’interrogatoires, de sévices et de déplacements d’individus ou de groupes à l’intérieur de l’établissement correctionnel. Le tout devient davantage une chorégraphie qu’une fiction. Les images tournées dans les steppes en font une œuvre picturale magnifique tout de noir et de blanc. À travers la facture artistique de la réalisation, le propos dénonciateur émerge subtilement sans perdre de son percutant. En transposant l’action un siècle auparavant le cinéaste évitait la censure. Il vise indirectement les oligarques russes, qui ont remplacé les nobles de l’époque mais qui ont les mêmes objectifs : dominer le monde et faire taire les opposants. Cette fois sous le couvert d’un communisme détourné de ses fondements.