Après son premier film, In The Family, le réalisateur indépendant américain Patrick Wang revient avec un second long métrage intitulé Les Secrets des Autres auquel on préférera nettement son titre original The Grief of others (Le Chagrin des Autres), plus approprié.
John et Ricky, et leurs deux enfants Paul et Biscuit ont l’apparence d’une famille heureuse et sans problème. Oui mais voilà, Biscuit sèche l’école, Paul est victime des moqueries de ses camarades et se referme sur lui-même et leurs deux parents impuissants, voient leur couple se décomposer. Pourtant, chacun fait mine de ne pas s’apercevoir des problèmes des autres et la vie suit tant bien que mal son cours. Le retour au bercail de Jessica, née du premier mariage de John, fait resurgir des tensions trop longtemps enfouies, d’autant plus qu’elle est enceinte.
Toujours aussi appliqué et sobre, Patrick Wang continue son exploration des drames familiaux. Cette fois ci ce n’est plus le statut de parents qui l’intéresse, il se focalise sur la lente implosion d’une famille comme avait pu l’être celle des Burnhamm dans American Beauty. À la décadence magnifique de Sam Mendes, Patrick Wang préfère brouiller les cartes et ne fait souvent qu’effleurer le malaise qui pèse de manière incompréhensible sans le nommer.
Les protagonistes déploient une sensibilité rare accentuée par la mise en scène sobre du réalisateur. La succession de plans fixes (une marque déposée chez Patrick Wang) participe à la construction du récit. À l’aide de flashbacks savamment distillés, Wang éclate la narration classique pour faire resurgir les démons qui hantent cette famille. Il multiplie les dispositifs et expérimente. Son montage dégage une fraîcheur communicative et donne envie de connaître la suite. Alors même si ses tâtonnements ne sont pas toujours couronnés de réussite, ils nous donnent une intimité bien plus importante avec les personnages que n’importe quelle manifestation d’émotion.
Là où le récit prend une tournure intéressante, c’est dans la quête vers la rédemption de chacun (la petite qui fait des offrandes, le père qui a peur de rentrer affronter sa femme). Et toujours en toile de fond, ces images qui s’affichent, superposées sur le visage des protagonistes. On traverse leur drame familial comme si c’était le nôtre, et c’est là toute la force du réalisateur américain. Il nous touche !
Les Secrets des Autres captive autant qu’il fascine, malgré le sentiment que le réalisateur n’a pas exploité jusqu’au bout le potentiel de cette famille disparate et si attachante. Une réussite qui confirme le potentiel du cinéma indépendant américain à toujours se renouveler.