Dire que ce film est un film anti-militariste est un terme réducteur par rapport à la profondeur dans le propos du long métrage. En effet, si Kubrick est très critique envers l'armée dans ses films, c’est parce que pour lui elle est le plus clair exemple des pulsions destructrices de l'être humain.
Les sentiers de la gloire est le film qui précède Spartacus dans la filmographie de Kubrick, on peut voir en lui, une étape pour le cinéaste, une fin de premier chapitre dans la carrière de l'auteur.
C’est le dernier de ses films qui durera moins de quatre-vingt-dix minutes, la plupart des suivants dépassant largement les deux heures.
Le film raconte un des plus grands scandales de guerre. Nous sommes dans la France en guerre de 1916, entre les tranchées et le siège de l’état-major, des généraux décident arbitrairement une percée à l’échec très probable, et après le prévisible échec de celle ci, font traduire en cour martiale pour montrer l’exemple trois soldats du régiment responsable, pour une parodie de procès à l’issue choisie d’avancée.
L’officier idéaliste et contestataire incarné, brillamment par Kirk Douglas n’intervient dans le récit qu’à son corps défendant. Non pas que Kubrick, qu’on sait peu enclin à l’optimisme, lui signifie un rejet appuyé ; mais il ne lui laisse clairement pas la moindre chance. Compromis dès le départ pour avoir cédé à l’ordre de l’attaque insensée, isolé par la caméra au second plan de la salle de procès derrière les silhouettes des accusés et de leurs gardiens, la posture de dignité volontiers frondeuse du personnage, son éloquence et son habileté d’avocat et de justicier ont l'air déplacées et vaines face à un régime qui n’obéit qu’à sa propre logique, faite d’un croisement entre règles inviolable et réactions pulsionnelles. D’une manière générale, c’est la part la plus hollywoodienne du film, cette foi en la justice et en la bonté humaine qui reste au fond du militaire, qui se trouve ici vidée de son sens. Même la scène finale plus optimiste (une chanteuse allemande, campée par la futur femme de Kubrick adoucit les soldats français) laisse un goût amer : le spectacle de sauvages soldats, soudain transformés en visages ébahis et larmoyants nous rappelle soudain la futilité de leur situation, de cette image guerrière qu’ils se doivent d’incarner au front.