Inspiré de (tristes) faits réels, "Les Sentiers de la Gloire" est moins un film de guerre qu'un film "contre l'armée" (d'où sa censure en France...), centré sur l'opposition de la masse anonyme des soldats et de leurs supérieurs méprisants (l'ennemi allemand est invisible !), et dénonce de manière particulièrement amère l’hypocrisie de l'ordre guerrier et de rapports sociaux profondément viciés, mais aussi l'inutilité de toute résistance individuelle à un système qui cultive littéralement l'irresponsabilité. Pire encore, le film nous montre que le destin du héros - le colonel Dax, sorte de passeur entre les deux mondes antagonistes - est de ne pas se voir reconnu, et de découvrir que ses actes sont irrémédiablement condamnés à la vanité.
Les "Sentiers de la Gloire", qui doit quand même beaucoup aux convictions de Kirk Douglas, est un film d'une noirceur, d'une force et d'une complexité extraordinaires, un film qui porte déjà la marque du génie que deviendra Stanley Kubrick (voir la séquence de l'assaut). On remarquera en particulier l'absence de manichéisme dans la représentation des personnages, jamais schématiques pour un tel film-pamphlet, et on s'interrogera sur la dernière scène, preuve que Kubrick peut être émouvant (comme le soutient Spielberg) ou unique concession au système ? [Critique écrite en 2003 et 2005]