Stanley Kubrick est un réalisateur dont la réputation n’est certainement plus à faire. 2001 : L’odyssée de l’espace (1968), Orange Mécanique (1971), ou encore Shining (1980) sont des films aujourd’hui considérés comme cultes, et qui ont fait de Kubrick l’un des réalisateurs les plus influents de l’histoire. Le film dont il est question ici n’a peut-être pas bénéficié du même rayonnement, mais est déjà marqué de la patte géniale de son réalisateur, et a sans aucun doute participé à son ascension.
Dans son troisième film, Kubrick nous envoie sur le front français, en pleine Première Guerre Mondiale. Face à la supériorité de l’adversaire, et à leur incapacité à pouvoir gagner du terrain, une unité de soldats refuse de suivre les ordres insensés de l’un de leurs généraux. En conséquence, ils vont être lâchement punis par leurs supérieurs, incapables d’assumer les conséquences de leurs ordres.
Les sentiers de la gloire est un film relativement court, ne durant même pas une heure et demie. Pourtant, la thématique du film est ici parfaitement traitée, allant souvent à l’essentiel, mais le faisant avec une rare efficacité. Presque toutes les facettes du conflit de 1914-1918 sont ici exposées en peu de temps, qu’il s’agisse des scènes de combat au front, ou des séances en cour martiale, en retrait.
Mais Les sentiers de la gloire n'est pas un pur film de guerre cherchant à montrer l'héroïsme des soldats partis au front, et le calvaire qu'ils y ont vécu. Ici, l'objectif est de dénoncer un système friable, mal dirigé, mais aussi de mettre en lumière la lâcheté des hommes face à leurs responsabilités. En effet, si la première partie du film nous montre des scènes de bataille (magnifiquement reconstituées en passant), la seconde partie s'intéresse au jugement porté par les hauts gradés de la cour martiale envers des soldats désignés de manière plus ou moins arbitraire.
Le film nous fait instinctivement et totalement prendre parti pour les soldats, et nous révolte à cause des injustices qu'ils subissent. En effet, lors du procès, on comprend rapidement que leur parole n'a bien que peu de poids, celle-ci étant perpétuellement remise en doute par les magistrats, et qu'on ne peut qu'assister à un honteux spectacle. Toutefois, afin de rééquilibrer les forces, Kubrick a choisi comme personnage principal le colonel Dax, magnifiquement interprété par Kirk Douglas.
Sa présence permet d'établir un pont de liaison entre les soldats et les hauts gradés. Mu par un profond respect envers ses hommes, il n'hésite pas à prendre ouvertement parti pour eux, et choisit même d'être leur porte-parole lors de leur audition en cour martiale. Personnage fort et charismatique, il incarne à lui seul le combat des plus démunis face à l'injustice qui les accable.
Il incarne également l'espoir, car sa détermination fait espérer au spectateur qu'il parviendra à innocenter ses hommes, et que les responsables de la situation seront à leur tour traduits en justice. Mais celle-ci, menée par des hommes exclus du front, loin d'être conscients de tout ce qu'y subissent les soldats, ne peut être, en définitive, qu'être articulée par des articles de lois qui ne s'en préoccupent que bien peu.
Là où la guerre gronde, les principes laissent vite place à la bestialité, chacun ne luttant plus que pour sa propre cause et cherchant à gagner du crédit pour asseoir son propre pouvoir. Les sentiers de la gloire est un film bouleversant d'injustice, au rythme d'une justesse rare, laissant juste le temps au spectateur de capter le malaise qui se dégage de chaque scène, et de se plonger entièrement dans l'intrigue. C'est un récit qui dénonce les dangers de la quête du pouvoir, quand l'injustice prend le pas sur la justice, et quand ceux qui accusent de lâcheté sont eux-même les vrais lâches.
Véritable réussite sur tous les points, il interroge sur la capacité de l'homme à prendre ses responsabilités, et également sa capacité à en être digne une fois qu'il en dispose. Au final, la thématique du film se résume d'ailleurs très bien dans son titre : "Les sentiers de la gloire" implique bien qu'il y a plusieurs chemins, et rien n'indique que tous soient nobles.
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