"Le patriotisme est l'ultime refuge de la canaille"
Les sentiers de la gloire ... Mais quelle gloire y a-t-il à se faire éventrer, en pensant que hommes, femmes et enfant restés à l'arrière chanteront nos louanges lorsque nos cadavres se putréfieront, pendus aux barbelés, criblés de balles. Je me demande sérieusement combien de soldats atteint de cynisme se sont posés cette question tout au long de cette merveilleuse boucherie que fut la Première Guerre Mondiale ?
Car tout est dans le titre, et c'est à mon avis la question que veut suggérer Kubrick dans ce film : où est le véritable courage ? Et deux visions entrent en opposition avec virulence. D'une part le Général Mireau, dont le maître mot est patriotisme, un vieux de la vielle en quelques sortes, et pour qui l'instant d'hésitation qui vous prend l'esprit juste avant de grimper au front est synonyme de haute félonie. D'autre part, le Colonel Dax, le modèle, celui pour qui la gloire à un tout autre sens, pour qui le mot valeur a encore une véritable signification. "La vie de chacun de mes hommes m'est précieuse", voila ce qu'il en pense lui même.
Mais par delà ce film, Kubrick ne veut pas traiter seulement traiter le thème de la guerre, ses absurdités, le caractère obtus et insensible de ses dirigeants, mais aussi le fait qu'elle ôte les ultimes traces de raisons et d'humanité des hauts dirigeants qui regardent les combats sans buts d'un oeil attentif et circonspect. Non. Kubrick nous amène dans une petite balade dans tout ce qui gravite autour de la Guerre, et ne choisit pas comme thème principal le combat. Son souhait est de d'exhiber avec une sorte d'objectivité le remord, l'obstination ou des thèmes comme la peur panique et ancestrale de la mort, que chacun tente d'affronter à sa manière : avec désespoir, avec colère, avec résignation ...
On ne peut que saluer la belle performance de Kirk Douglas dans le rôle de Dax. Il parvient à mettre une vibrante vitalité dans ce personnage, qui s'implique pour lutter contre un système datant de Mathusalem en ce qui concerne les erreurs de guerre, et qui ne demande pas l'avis des "lâches" qu'il est sensé juger avant de les envoyer au peloton d'exécution.
Pour finir, la scène finale de la jeune allemande et des soldats français dont l'esprit agité est apaisé par ce chant. A travers ce passage, (note poétique) Kubrick place le pont d'orgue de son message : il démontre la stupidité d'une lutte fratricide entre deux nations, qui, bien que ne parlant pas la même langue, sont capable de partager bien des choses.
En conclusion, ce film en noir et blanc, qui loin d'entacher sa portée ne lui donne que plus de réalisme et de profondeur, se révèle être une agréable surprise non seulement pour les fans de la première Guerre Mondiale, mais aussi pour tous ceux qui veulent encore croire en l'Homme et sa compassion.