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Depuis que j'ai vu, très jeune, "Autopsie d'un Meurtre", de Preminger, j'adore les films de procès, et les joutes verbales entre les représentants de l'accusation, en général les "méchants" dans 90% des films, et les géniaux avocats de la défense. Et le sentiment de rage, d'injustice insupportable que l'on ressent à chaque "coup bas" porté par les adversaires machiavéliques du Bien. Mais il m'a bien fallu reconnaître que peu d'avocats, qu'ils soient "réels" ou personnages de cinéma, avaient le charme de Jimmy Stewart...


Depuis "A la Maison Blanche", j'adore Aaron Sorkin, ses logorrhées incessantes, ses personnages qui sont bien plus intelligents que nous le sommes dans la "vraie" vie, son épuisante conviction que les idées peuvent triompher de tout, surtout si on marche vite, en parlant, à travers de longs couloirs. D'ailleurs si Martin Sheen avait été élu POTUS à la place de Trump, ou même d'Obama, le monde irait beaucoup moins mal...


Depuis que j'ai vu, il y a à peine 5 ans, "le Pont des Espions" de Spielberg, je suis avec attention chaque apparition de Mark Rylance, son jeu étrange, insaisissable, son goût pour le décalage insidieux, son talent pour l'understatement. Ceci dit; ce pauvre Mark a quand même rarement l'occasion de briller au premier plan d'un film complet, pénalisé sans doute par sa tronche de merlan frit, si peu cinégénique...


Depuis que j'ai vu, il y a quelque mois, Sacha Baron-Cohen dans la série TV "The Spy", j'ai admis qu'il y avait de la vie pour cet acteur après "Borat", et que son mélange instable de facéties et d'acuité quasi-dangereuse, lui permettait de ratisser large dans ses rôles, et surtout de les porter dans des zones inattendues. Même si j'ai été un peu déçu il y a quelques jours de le voir enfiler à nouveau le cache-sexe de Borat...


Depuis que j'ai lu le génial "Ringolevio" d'Emmett Grogan, qui racontait l'agonie violente du rêve hippie (renverser pacifiquement la société capitaliste états-unienne et ses rêves de consommation infinie) sous les coups de boutoir du FBI, de la justice au service du gouvernement de Nixon, et surtout des penchants réactionnaires de la vaste majorité des Américains, les noms de Jerry Rubin, d'Abbie Hoffman et même de Bobby Seale (et ses panthères noires) m'ont toujours fait fantasmer. Même si je n'ai jamais non plus été trop dupe de cette trop belle illusion quant à un monde meilleur...


Alors j'étais excité comme un pou à l'idée de regarder "les Sept de Chicago", et j'ai même battu le rappel familial pour expliquer à mon petit monde qu'il fallait regarder ce film, qui parlait d'un chapitre capital de l'histoire des USA, d'un moment où des idéaux - quels qu'ils soient, dirais-je - ont semblé pouvoir triompher du matérialisme fondamental de la société. J'ai secrètement - parce qu'il y a de quoi avoir un peu honte, forcément - remercié Netflix d'avoir produit ce film. Et puis "les Sept de Chicago" a démarré. J'en ai même oublié de savourer ma rituelle Danette à la pistache, dont la dégustation accompagne pourtant le visionnage de tout film un tant soi peu considérable...


129 minutes plus tard, j'avais vibré, je m'étais indigné, j'avais ri, j'avais versé ma larme comme devant n'importe quel film hollywoodien "lambda" de procès. Tout le monde avait bien fait son boulot : Sorkin, Rylance, Baron-Cohen. Le résultat, le film était impeccable. Mais, au final, il me restait cette amertume légère dans la bouche : "tout ça pour ça ?". Où étaient passés nos rêves ? Je les voyais ravalés, implacablement, au niveau d'une fiction à sensation, d'une histoire efficace et édifiante, comme n'importe quelle autre. Non, comme des milliers, des millions sans doute, d'autres. Le cinéma, qui n'a plus rien d'un Art depuis les années 70 - dernière décennie à y avoir cru - et qui est un divertissement de plus en plus efficace, fait feu de tout bois. Même des rêves et des luttes les plus bouleversantes de l'humanité.


Et après, il ne reste que des cendres.


[Critique écrite en 2020]

EricDebarnot
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le 5 nov. 2020

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Eric BBYoda

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