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Le développement des Sept de Chicago aura été un long périple. En 2007, Aaron Sorkin écrit le script du film, qui devait être réalisé par Steven Spielberg lui-même. Malheureusement, à la suite des grèves des scénaristes ayant eu lieu entre 2007 et 2008, le projet fut suspendu et Spielberg se désista du rôle de réalisateur, bien qu’il en demeura néanmoins l’un des producteurs. Les Sept de Chicago resta des années en stand-by, le film ne trouvant personne pour le réaliser, bien que Sorkin ait profité de cet interminable lapse de temps pour peaufiner son script. Par la suite, Paul Greengrass et Ben Stiller furent annoncés comme potentiels réalisateurs, mais ce rôle finit par être confié à Aaron Sorkin lui-même, qui avait déjà réalisé Le Grand Jeu (2017) mais qui s’était surtout illustré en tant que scénariste talentueux grâce à des œuvres comme The Social Network (2010) de David Fincher et Steve Jobs (2016) de Danny Boyle. Peut-être en avait-il eu marre d’attendre que le film basé sur un script qu’il avait écrit il y a de cela des années ne se fasse pas, et qu’il avait décidé de reprendre le projet en main, ce que l’on peut comprendre.


Initialement prévu pour une sortie cinéma en fin d’année 2020, la petite pandémie mondiale des familles que le monde s’est ramassé dans la gueule a obligé Paramount Pictures, détenteur du film, à vendre les droits de diffusion de celui-ci à la plateforme Netflix, les cinémas américains étant toujours fermés à l’époque, afin qu’il soit mondialement mis en ligne en octobre de cette même année. Inspiré du procès historique des Chicago Seven, le film met en scène un groupe de manifestants qui protestaient, à la fin des années soixante, contre l’inutilité de la guerre du Viêt Nam et la politique du Président Johnson. A la suite de ces manifestations et des débordements dus aux interventions policières, sept individus sont arrêtés et seront amenés à être jugés pour incitation à la révolte ou violation des droits civiques. Un huitième, Bobby Seale, un membre de l’association des Black Panther qui n’était même pas là lors des manifestations, sera ajouté à la liste des personnes incriminées. Un procès fondé sur la malhonnêteté et la volonté de transmettre un message politique débutera alors.


Ce qui frappe immédiatement avec Les Sept de Chicago, c’est à quel point le film comporte des thématiques actuelles. Après le meurtre de George Floyd ayant eu lieu aux Etats-Unis, une sorte de conscience politique s’est développée chez les américains (du moins, chez ceux qui ne l'avaient pas encore développé) vis-à-vis des violences policières et des inégalités qu’elles peuvent impliquer. Or, le scénario de Sorkin met précisément en scène un groupe d’individus témoins de cet abus de pouvoir de la part de la police, et pour avoir été le témoin de ça, ils seront jugés et montrés à la face du monde comme des indésirables, des fauteurs de troubles que l’on se doit de sacrifier sur la place publique. Evidemment, à partir de ce scénario, on peut également trouver une résonance politique avec ce qui a pu se passer en France, alors que les gilets jaunes manifestaient et que la police n’hésitait pas à répliquer violemment. En soi, on peut dresser de nombreux parallèles entre l’intrigue du film et les évènements actuels, mais on arrivera toujours à la même conclusion : le script a beau avoir été écrit en 2007, il reste un film profondément ancré dans l'année 2020.


Et lorsque cette volonté de rendre les thématiques du film actuelles est mêlée à l’écriture extrêmement maîtrisée de Aaron Sorkin, le film en devient assez captivant. Les dialogues sont d’une justesse frappante, les échanges entre les protagonistes sonnent comme de véritables combats verbaux dans lesquels le but serait d’avoir la meilleure répartie, à l’image de The Social Network. A ce titre, de nombreuses punchlines sont à prévoir, et le film ne nous donne pas le temps de nous ennuyer, le rythme de chaque scène étant méticuleusement travaillé pour donner un aspect haletant à chaque échange. En somme, Les Sept de Chicago brille par son concept initial ainsi que par ses dialogues.


Mais ce sont bien là les seuls éléments qui le font briller. Car, arrivé à terme du long-métrage, je me suis étonné du fait que le film était, au départ, prévu pour être une sortie en salle tant il ressemble à une mini-série Netflix pour laquelle on aurait collé tous les épisodes bout-à-bout. Visuellement, c’est incroyablement pauvre, que ce soit la photographie classique et inintéressante ou encore la réalisation opérée par un Sorkin qui aurait définitivement dû laisser un autre réalisateur s’occuper de cette partie-là. Ce-dernier appuie, par moment, tellement ses effets qu’ils en deviennent grotesques (on pense à certaines scènes en montage alterné), tout ça pour nous servir, le reste du temps, des champs/contre-champs d’une froideur lassante. Un comble pour un film qui met en scène des échanges passionnés et sulfureux. Au final, j’ai eu l’impression que Les Sept de Chicago me donnait un avant-goût de ce que serait un film de procès réalisé par George Lucas, et ça m’a fait peur…


Si le casting cinq étoiles est appréciable, Sacha Baron Cohen et Eddie Redmayne en tête, cela n’empêche pas aux personnages de manquer cruellement de complexité. Les vieux réacs de droite sont très très à droite, les manifestants sont très très à gauche et le personnage de Joseph Gordon-Levitt apprend à la fin que c’est pas gentil d’être méchant. Le film est d’une telle bêtise, d'un tel manichéisme qu’il pointe directement du doigt les good guys et les bad guys aussi subtilement qu'un film Marvel ; à la manière du juge incompétent qui s’apprête à juger les personnages de façon tout à fait partiale, Les Sept de Chicago a, dès le départ, choisit son camp. Et il n’essaiera jamais de développer la moindre complexité vis-à-vis de son concept initial.


Loin d’être mauvais ou malhonnête, Les Sept de Chicago n’en demeure pas moins une amère déception. Si, lors de mon visionnage du film, j’ai évidemment passé un agréable moment et que je ne me suis jamais ennuyé, lorsque les crédits sont apparus, j’ai tout de même eu la désagréable sensation d’avoir lu une fiche Wikipédia passionnante, mais tout sauf cinématographique. Car écrire un bon scénario ne suffit pas à faire un bon film. Cela reste juste un bon scénario, mais toute l’étape de réalisation est aussi importante, voire plus encore, que la scénarisation : c’est elle qui va donner de la substance à l’histoire qui nous est racontée. Et Aaron Sorkin est un excellent conteur d’histoires ; j’espère juste qu’il laissera d’autres réalisateurs plus talentueux que lui mettre en scène ces histoires.

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le 5 janv. 2021

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Swann

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