ou le sport comme méthode de torture de la jeunesse
L'unique fois de ma vie où je me suis amusé en participant à un jeu collectif, c'était un volley avec une bande de filles à la fin de l'année de terminale - rien à voir avec ces parties où un mec au moins gâchait le plaisir en se battant comme si sa vie en dépendait. Et rien en commun avec la vie de ces japonaises qui ont passé leur vingtaine dans les pimpantes années soixante entre usine (de 6h à 12h) et entraînement (de 13h30 à 0h et au-delà) avec 4h de sommeil maxi avant le lever à 5h dans leur caserne. Heu, le logement collectif.
Le film entrecoupe entretiens contemporains, images d'archives et extraits de l'animé Attack 1. Il suit chronologiquement le parcours de la fameuse équipe des Sorcières de l'Orient , de leur échec au Brésil en 1960 en finale olympique face aux russes, et surtout à partir de leur victoire contre les Russes en finale de mondial à leningrad en 1962, jusqu'aux jeux olympiques de Tokyo en 1964.
Si les films d'archives exceptée la finale ne se composent que d'une ou deux minutes d'entrainement, ces images sont saisissantes : leur composition témoigne de leur caractère officiel, sans masquer les abus que les joueuses subissaient. On les voit par exemple pratiquer inlassablement jusqu'à l'épuisement la technique de roulade en réception, sous le tir nourri d'une balle toutes les deux secondes par l'entraîneur dont elles étaient toutes amoureuses, qui avait survécu seul avec trois de ses hommes dans la jungle birmane pendant trois mois. On voit même l'une d'elles s'avancer vers lui en recevant des balles dans la tête jusqu'à lui prendre les mains pour le faire cesser !
Le film commençait doucement en laissant les cinq membres de l'équipe réunies à Tokyo pour le film, se remémorer les surnoms que l'entraîneur leur avait donnés en précisant qu'un mot court était plus facile pour se faire crier dessus ; c'est plus tard que l'une explique qu'elle a gardé toute sa vie des séquelles aux jambes, et que l'autre raconte que le médecin lui avait dit de continuer malgré la côte félée causée par les roulades, qui occasionnait une décharge électrique à chaque saut - "mais au bout de trois ou quatre jours on s'habitue à la douleur et on serre les dents , le corps humain est étonnant!"
Il est ironique, *au bas mot, *d'écouter les prétentions de l'autorité olympique à l'exaltation de la fraternité humaine quand on voit les équipières défiler militairement sur le terrain des opérations, quand l'on soupçonne quels traitements elles ont subi pour arriver à ce niveau de compétition , et la pression psychologique infligée quand la fierté de la nation repose sur leurs épaules. Ainsi finissaient-elles chaque victoire en pleurs (et pour les Russes la promesse d'une rasade supplémentaire de traitement hormonal ). Elles avaient même envisagé, à la proposition des joueuses roumaines, de fuir le pays ! Défection pour le bloc de l'est !
Business being business, leur notoriété a produit moult séries d'animation consacrées à la compétition de volley d'innocentes lycéennes prodiges soumises aux sévices corporels / traitements dégradants de jeunes et charmants entraîneurs fanatiques.
Le réalisateur a dynamisé certaines archives de compétition en les entrecoupant d'extraits d'animés. Comme les autres libertés prises avec les documents originaux, ces montages sont réussis - ainsi de la superposition de ''machine gun'' de Portishead sur les belles images de joueuses mitraillées de balles (et leurs mouvements répétitifs dans la salle de sport en alternance avec leurs gestes répétitifs dans l'usine de tissu)...
Un intermède montre l'essor parallèle des villes et des technologies ''modernes'' dans les années d'après-guerre, ou comment les victoires de ces volleyeuses soutenaient l'effort de reconstruction et le triomphalisme national, et leur technique de roulade inspirée par le daruma (Et le judo), symbolisait la capacité du Japon à ''retomber sur ses pieds'' (ou son cul).
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Daruma