Incapable de faire un film sur le moment présent, Anderson nous donne ici une œuvre visionnaire et pas innocente du tout. Imaginer un pape soviétique, dix ans avant le premier pape non-italien depuis des siècles, et avec des idées révolutionnaires (un peu dans tous les sens du terme), c'était un sujet chargé et le dérapage était facile (j'aimerais d'ailleurs bien savoir ce qu'en a pensé le Vatican). Pourtant, quitte à faire un peu d'anachronisme, je n'hésiterai pas à décrire le film comme une merveille de worldbuilding : médias, sociopolitique, dilemmes du sécularisme, tout est exploré et condensé en une seule expérience cinématographique. Anderson a toujours su faire un mélange très harmonique de petite et de grande histoire, et il est particulièrement réussi dans ce cadre papal où l'intimisme vaticanais rencontre les rapports de force internationaux. Mis à part l'hypothèse d'un pape communiste et du poids que cela pourrait avoir dans la diplomatie mondiale, le film reste plus que compréhensible et carrément pertinent aujourd'hui. Confirmé dans sa maîtrise du blockbuster avant que les blockbusters existent, Anderson est un réalisateur visionnaire à ne pas manquer.