Propriétaire d’une petite usine de tracteurs, Fernand Naudin (Lino Ventura) mène une vie tranquille et sans histoire quand un télégramme l’appelle à Paris. Il arrive à temps pour recueillir le dernier soupir d’un ami de jeunesse, Louis dit «le Mexicain», qui lui confie ses affaires louches en même temps que la garde de sa fille Patricia. Et les ennuis commencent…
Raoul Volponi (le grand Blier) semble la figure de bouc émissaire. Le pauvre bougre n’y va pas de main morte dans ses conneries, sans cesse puni par son excitation vengeresse, tandis que son frère Paul (l’excellent Lefebvre) ajoute une forme d’indolence et d’imbécilité savoureuse. Ça se bagarre à coups de silencieux aux bruits de bouchon de champagne ridicules, mais irrésistiblement comique.
Lino Ventura mène la danse avec Blier, Francis Blanche, Lefebvre et quelques gueules bien connues comme Venantino Venantini (le dernier des Tontons à nous avoir quitté) l’immanquable Robert Dalban et en prime Claude Rich qui fait belle figure devant les Tontons, sans oublier Henri Cogan qui retrouvait Lino après lui avoir cassé la jambe en 1950 au catch, ce qui mit fin à sa carrière. Pour l'anecdote, lors du tournage, Lino, tout rancunier qu’il était et ça n’étonne personne, assena un coup-de-poing réel imprévu à Cogan avant de lui dire "ça, c'est pour ma jambe !". La vengeance était exaucée et les deux gaillards restèrent bons amis.
Entres répliques tonitruantes et un mélange des genres entre polar et comédie, parodie des films noirs américains, inépuisable source de répliques qu’on se transmet de générations en génération en guise de leg patrimonial, Les Tontons Flingueurs c’est une bande de copains qui s’approprient des personnages caricaturaux dans un film devenu mythique d’un cinéma français dont les têtes pensantes privilégiaient pourtant, à l’époque, une Nouvelle Vague portée par une critique sévère et unanime. Du coup à sa sortie, il y a soixante jour pour jour, Les Tontons Flingueurs n’ont pas recueilli, en salles, le succès qu’on aurait pu leur prédire : moins d’un demi-million d’entrées à Paris et sa périphérie. Cependant, chaque rediffusion à la télévision est un succès d’audience et nul doute que ce soir des millions de Français seront sur France 2 pour contempler une énième fois ces quelques seigneurs du cinéma français.
Ce qui fait des Tontons Flingueurs un film indémodable tient du talent d’un réalisateur populaire : Georges Lautner et du fruit de sa première collaboration avec le génie Michel Audiard, suivront treize autres films jusqu'au piteux troisième volet de La Cage aux Folles en 1985.
Certaines scènes méritent leur place au Panthéon du cinéma franchouillard. Au premier rang de celles-ci, la réunion des malfrats dans la cuisine ou l’alcool est de sortie. Toute la bande s’y livre à merveille et c’est évidemment le moment emblématique du film, les soit disant rivaux consentent une trêve sous forme de beuverie et vitriol de la paix. Ces messieurs s’observent, regardent attentivement les verres d’un air suspicieux, et au final boivent quand même et se resservent encore et encore si bien que la conversation, sans perdre de sa pertinence devient de plus en plus difficile, car les corps, tous autant solides qu’ils soient, sont mis à rude épreuve.
Le plan sur les Tontons se recueillant à l’église est merveilleux et parachève un film vieux de soixante ans, mais tellement intemporel qu’on en reprendrait volontiers pour soixante années supplémentaires.