Les cinéastes espagnols semblent bien aimer suivre les déambulations d'héroïnes en mal de vivre (Eva en août). Et proposent des films un peu méditatifs sur la quête du sens d'une génération déboussolée par la crise financière, la hausse du chômage des jeunes, la difficulté de s'émanciper et, surtout, les mutations rapides des relations entre les sexes. Tous ces aspects sont au programme de cette réflexion un peu longuette sur l'existence à travers les relations amoureuses d'une jeune espagnole assez représentative de son époque. Spontanée, authentique, naïve et résiliente, elle passe d'un compagnon à l'autre sans mesurer vraiment la difficulté des hommes à trouver leur place dans des schémas qui ont évolué à toute vitesse sans leur proposer de modèle auquel se référer pour définir les contours de la masculinité du XXIè siècle. Et on ne peut pas dire qu'ils brillent vraiment par leur ingéniosité en la matière dans cette histoire un peu déprimante. Le premier, très jovial de prime abord, se débat avec les démons d'un machisme qui ne lui laisse pas de trêve dès qu'il est sous pression. Violence, jalousie, mauvaise foi, tout concourt à l'éloigner de sa décontraction initiale. Malgré tout, il regorge de qualités, mais rien ne l'aide à dépasser ses blocages de macho ibérico dépassé par les événements. Le second chapitre est consacré au père des enfants de l'héroïne, pas un mauvais bougre non plus, mais l'un de ces types que l'engagement révulse et ennuie d'avance. Et qui culpabilise de ne pas avoir la fibre familiale, dans le même temps qu'il aime l'idée d'avoir une famille. Et le troisième, gentil aussi, se sent pris à la gorge par la vie de famille qu'il a lui-même orchestrée et s'enfuit autant qu'il peut jusqu'à ce que la culpabilité le rattrape. Ou la conscience du gâchis qu'il a appelé de ses vœux. Parce que le fossé entre ce qui se passe entre le moment où l'on drague en boîte et celui où l'on devient responsable d'enfants est abyssal; rien ne prépare ces jeunes gens insouciants à la chape qui va s'abattre sur leurs épaules au moment où ils vont consentir à s'engager auprès d'une femme qui, pour sa part, ne renâcle pas devant les tâches ingrates. On peut reconnaître à ce film cette lucidité-là : de poser un constat désenchanté sur les malentendus entre les sexes. Personne ne mesure vraiment la maturité d'un être humain. Sa majorité lui ouvre un droit inaliénable à la construction d'un couple, d'une famille, d'un foyer, sans que rien d'autre que l'exemple de ses parents ne l'ait préparé à se conduire en adulte. Parfois, les parents ne sont pas dignes de confiance. Parfois, les enfants perçoivent mal la nature des responsabilités des adultes autour d'eux. Il n'y a qu'en devenant parent qu'on mesure ce que cela signifie vraiment, nous dit ce film émouvant et énervant à la fois. Il semble dire aussi que les femmes sont les premières victimes de l'immaturité masculine, à travers le portrait d'une fervente amoureuse des hommes, proche de son père au point de croire que tous lui ressemblent. Il n'en est évidemment rien, et la fin en demi-teintes ressemble davantage à une défaite qu'à une prise de conscience véritable...