Romeo & Juliette à Saint-Germain-des-Près

Dix ans après Rendez-vous de juillet, Marcel Carné tournait un film sur la jeunesse, le décor est le même : Saint-Germain-des-Près, la musique aussi : le jazz, sauf que les moeurs ont changé, l'après-guerre est oubliée, la jeunesse des années 50 veut s'amuser en s'affranchissant du monde bourgeois et du prolétariat, alors que ironiquement ici, ils sont pratiquement tous des fils de bons bourgeois bien installés, l'une des protagonistes vit même dans un château. Et pour aller à contre courant des parents, ces jeunes sont un peu nihilistes et trichent sur leurs sentiments et leur façon de vivre.
Carné dresse donc le portrait d'une certaine jeunesse insouciante qui joue inconsciemment avec la vie, avec pour toile de fond une sorte de Romeo & Juliette dans le Paris de 1958 à Saint-Germain-des-Près, car c'est le décor branché de l'époque par excellence, le décor très parisien où évoluent ces jeunes gens en se provoquant, en couchant à droite à gauche, en jouant à des jeux idiots, en se vautrant dans des soirées-beuveries qui aujourd'hui paraissent bien sages. C'est le temps de l'existentialisme, des copains et des copines, des surboums, des constats désabusés et des pièges de l'amour qui mènent parfois à certaines issues fatales. Carné n'hésite pas à aborder le problème de la sexualité, ce qui était relativement audacieux en 1958.
On a peine aujourd'hui à imaginer l'incroyable succès de ce film à sa sortie, pourtant Carné n'était plus le Carné de ses grands chefs-d'oeuvre d'avant-guerre comme Drôle de drame, les Visiteurs du soir ou les Enfants du paradis... mais il est sûr qu'il a réussi à capter le ton de cette époque avec une grande justesse, surtout que le film atteint dans sa seconde partie une émotion et une certaine intensité ; et sans aucun doute ça passe par la belle bande d'acteurs qu'il a réuni : Pascale Petit, Andréa Parisy, Roland Lesaffre, Dany Saval, Jacques Charrier (beau gosse des années 50 qui allait épouser Brigitte Bardot), Laurent Terzieff (remarquable en misanthrope cynique), et même Jean-Paul Belmondo dans un petit rôle (c'était son cinquième film avant A bout de souffle). Aujourd'hui, la plupart de ces acteurs sont un peu oubliés, c'est dommage. En tout cas, c'est un film plaisant et sensible qui apparait comme un film référence pour la jeunesse des années 50-60.

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le 31 mai 2018

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