Dans une France genre années 50,un petit garçon dont les parents sont morts accidentellement est élevé par sa grand-mère qui l'adore.Comme le petit môme traîne en permanence une tristesse indicible,la mamie tente constamment de lui donner le sourire,d'abord en lui offrant un chien puis,constatant qu'il s'intéresse aux vélos elle lui en achète un.Totalement passionné par la petite reine,l'enfant grandit et s'entraîne comme une brute,coaché par son inévitable aïeule,ce qui l'amène à participer au Tour de France.Mais le niveau est un peu trop haut pour lui et il abandonne lors d'une étape de montagne,ce qui lui vaut d'être kidnappé par de mystérieux gangsters qui l'emmènent en Amérique.Mais la grand-mère et le chien ne lâchent pas l'affaire et arrivent eux aussi aux States,où ils vont être recueillis et aidés par les Triplettes de Belleville,un trio de vieilles chanteuses ayant autrefois connu leur heure de gloire.On le voit,ce premier long écrit et réalisé par Sylvain Chomet est gravement barré.La première partie du film est une véritable tuerie et fait croire au chef-d'oeuvre.Esthétiquement c'est une pure merveille avec ce graphisme précis et agressif qui fait penser aux dessins de Dubout et donne un relief bluffant à des personnages évoluant au sein de décors Vieille France magnifiques.On s'y croirait avec ces rues pavées,ces bâtiments usés et biscornus,ces commerces aux enseignes vintage et ce music-hall à l'ancienne où se produisent des Triplettes alors au sommet de leur carrière qui sont entourées de réelles vedettes qu'on reconnaît instantanément tant le dessin est de qualité.Charles Trénet,Django Reinhardt,Joséphine Baker et Fred Astaire apparaissent dans cette scène mais plus tard on verra d'autres figures d'époque comme De Gaulle,Yvette Horner ou Eddy Merckx.Le tout est bercé par l'étrange et fantastique musique jazzy-rétro de Benoît Charest et on a même droit à un extrait du "Jour de fête" de Tati,avec évidemment son célèbre facteur cycliste.Sur le fond se déploie la description nostalgique et déchirante d'un monde qui disparait progressivement pour faire place à un autre,plus moderne,plus efficace,plus performant,moins chaleureux et bordélique.Plus intimement on suit l'évolution de la vie du gosse et de sa grand-mère,de pauvres gens ordinaires aux prises avec un quotidien morose que la dame essaie d'égayer comme elle peut.Leur quartier change,leur petite baraque est survolée par des avions car un aéroport est arrivé pas loin,et le train passe désormais carrément au ras de leurs fenêtres,faisant trembler toute la maison.Mais ils restent stoïques et subissent tout ça sans broncher,comme le font toujours les pauvres gens à qui on ne demande jamais leur avis.Le petit devient adulte,le chien devient obèse et la mamie ne change pas.Leur vie s'organise autour des épuisantes séances d'entraînement à vélo,jusqu'à la participation au Tour avec son ambiance colorée,sa foule enthousiaste et la souffrance dans une chaleur écrasante.C'est là que se termine cette espèce de chronique rétro-sociale déjantée et que le film s'écroule.Le départ en Amérique avec son interminable traversée de l'Atlantique en pédalo,fait dérailler le film qui sombre dans la confusion et ne présente plus guère d'intérêt.Les personnages de la grand-mère,toujours à la poursuite des ravisseurs de son petit-fils,et ceux des Triplettes,qui en font trop dans le style loufoque-hystérique,deviennent plutôt énervants et l'histoire,privée de ressort dramatique,s'affale inexorablement.On tourne en rond dans un New York qui s'appelle Belleville et où les enseignes sont écrites en français car tout fonctionne sur des décalages curieux qui n'apportent pas grand-chose comme cette Statue de la Liberté obèse aux traits épais.L'authenticité du début s'est évanouie et le temps parait soudain bien long,rendant le spectateur solidaire du loueur de pédalos marseillais qui attend toujours le retour de son engin aquatique en regardant sa montre.