Le roman Les Trois Mousquetaires de Alexandre Dumas est une œuvre majeure de la littérature française, ayant inspiré de nombreuses adaptations cinématographiques à travers les décennies. Certaines de ces adaptations s’efforcent de rester fidèles au texte original, tandis que d’autres prennent des libertés créatives plus ou moins marquées. C’est précisément sur ces versions plus libres et audacieuses que nous allons nous concentrer aujourd’hui.
Paul W. S. Anderson va écrire et mettre en scène une de ces interprétations revisitées. Son adaptation se démarque par son approche résolument spectaculaire et décalée. Le réalisateur, connu pour ses films d’action à grand spectacle, choisit d’adapter le roman en y intégrant des éléments visuels et narratifs évoquant l’univers de Jules Verne, flirtant même avec l’esthétique steampunk. Son adaptation s’éloigne donc largement de l’œuvre originale, préférant une mise en scène flamboyante et des innovations technologiques anachroniques, notamment des machines volantes et des gadgets dignes d’un film de science-fiction.
En 2011, The Three Musketeers sort au cinéma et se distingue par son recours à la technologie 3D, un choix qui s’inscrit dans la lignée du précédent film de Paul W. S. Anderson : Resident Evil : Afterlife.
Cependant, tout comme ce dernier, l’usage de la 3D, censé renforcer l’immersion du spectateur, s’avère être un frein à la qualité globale du film. En effet, plutôt que d’enrichir l’expérience narrative, cette technologie est principalement utilisée pour accentuer les effets de mise en scène spectaculaires, au détriment de la profondeur des personnages et du respect de l’esprit du roman original.
Dès les premières minutes, le film s’impose comme un pur produit du cinéma de Paul W. S. Anderson. Fidèle à son style, le réalisateur mise sur des combats stylisés, des scènes d’action chorégraphiées à l’excès et une mise en scène qui respire son amour pour le grand spectacle. Malgré un cadre historique situé au XVIIe siècle, le film ne cherche pas à respecter une quelconque rigueur historique. Anderson injecte à l’intrigue une bonne dose de steampunk, multipliant les anachronismes et allant jusqu’à inclure des batailles d’aéronefs, un élément qui tranche radicalement avec l’œuvre originale de Dumas. On pourrait s’étonner d’un tel choix, mais pour qui connaît le cinéma du réalisateur, cette démesure ne surprend pas.
Matthew Macfadyen, Luke Evans et Ray Stevenson incarnent les célèbres mousquetaires. Ces trois acteurs apportent une dimension à la fois fantaisiste et stylisée à leurs personnages, s’éloignant d’une interprétation classique mais assumant pleinement l’approche spectaculaire du film. Ce qui frappe particulièrement, c’est le travail impressionnant sur les costumes et les décors. L’esthétique du film, bien que fantaisiste, bénéficie d’un soin méticuleux. Les costumes, élégants et raffinés, participent à l’identité visuelle unique du film, tout comme les décors somptueux qui renforcent son aspect grandiloquent. Le travail des costumiers et des décorateurs mérite d’être salué, car c’est l’un des points forts du film.
Si l’emballage du film est soigné, la performance de certains acteurs laisse à désirer, à commencer par Logan Lerman dans le rôle de D’Artagnan. Son interprétation manque cruellement de charisme, et son jeune âge ne suffit pas à justifier l’absence de profondeur dans son jeu. Malheureusement, il n’est pas le pire dans ce casting. Freddie Fox, qui incarne Louis XIII, livre une prestation désastreuse. Son personnage, censé apporter une touche humoristique, tombe dans l’excès et devient vite insupportable. Au lieu d’un roi capricieux mais crédible, on se retrouve avec une caricature ridicule qui nuit à l’ensemble du film.
Là où le film se rattrape, c’est dans ses rôles secondaires, en particulier du côté des antagonistes. Paul W. S. Anderson a réuni un casting impressionnant pour incarner les figures emblématiques de l’histoire : Mads Mikkelsen en comte de Rochefort, Christoph Waltz en cardinal de Richelieu et Orlando Bloom en duc de Buckingham. Avec un trio pareil, difficile de faire mieux sur le papier. Chacun d’entre eux apporte une présence magnétique à l’écran, et leurs performances surpassent de loin celles des héros du film. Malheureusement, leur temps d’écran reste limité, ce qui est d’autant plus frustrant quand on voit le potentiel de ces acteurs dans des rôles de méchants.
Adapter Les Trois Mousquetaires en un seul film est un défi de taille, et cette version en est un exemple frappant. Le récit est précipité, laissant peu de place au développement des personnages et des intrigues. On peine à s’attacher aux protagonistes et à l’histoire, tant tout semble survolé. L’univers est visuellement attractif, mais le manque de profondeur narratif empêche toute véritable immersion. Heureusement, le film compense par son humour involontaire et l’absurdité assumée de certaines scènes, typiques de l’approche de Paul W. S. Anderson.
Milla Jovovich est évidement Milady de Winter, épouse du réalisateur et actrice récurrente de ses films. Son casting n’a rien de surprenant, tant Anderson aime lui offrir des rôles majeurs dans ses productions. Malheureusement, sa prestation reste en deçà des attentes. Si son personnage bénéficie de scènes d’action spectaculaires, elle peine à incarner la complexité et la dangerosité de Milady. Plus encore, sa présence dans les films d’Anderson tend à devenir une constante prévisible, donnant l’impression que son mari lui réserve systématiquement des rôles sans réelle considération pour la pertinence du choix. Cela dit, aurait-on eu une meilleure Milady avec une autre actrice ? Rien n’est moins sûr.
The Three Musketeers est une adaptation libre et débridée qui divise. D’un côté, le film propose un spectacle visuellement impressionnant, porté par une direction artistique soignée et des antagonistes de qualité. De l’autre, son scénario précipité, ses personnages principaux peu convaincants et son abus de 3D en font une œuvre oubliable pour les amateurs du roman de Dumas. Si l’on accepte le film pour ce qu’il est (un divertissement à grand spectacle signé Paul W. S. Anderson), on peut y trouver du plaisir. Mais si l’on recherche une adaptation fidèle et bien écrite, mieux vaut passer son chemin.