Je sais pertinemment bien que mon avis ne fera pas l'unanimité sur ce film, surtout quand on est le seul à formuler une critique négative. D'un point de vue personnel, je n'ai jamais compris le hype autour de Wang Bing. Pourtant, si tout avait brillamment démarré avec "A la folie", véritable uppercut filmant un hôpital psychiatrique perdu, suivi de "A l'Ouest des Rails" qui fut très intéressant en dépit de quelques longueurs (9h12 tout de même), le programme suivant est loin de m'avoir convaincu. Tout d'abord, il y eut "Les Âmes Mortes" qui est, à peu de chose près, l'un des plus gros somnifères qu'il m'ait été donné de voir, suivi d'un apathique "Argent Amer" pour s'achever sur ce cinquième et ultime documentaire en date. Bref, on ne peut pas dire que je ne connais pas Wang Bing.
Mais rien à faire, je n'arrive pas à accrocher au style et il a atteint son point culminant ici. Le réalisateur est, disons-le clairement, la représentant du documentaire ultra intimiste, filmant au plus près la vie de certaines personnes oppressées par le système. Car la Chine, si elle tente de se montrer aux yeux du monde comme une grande puissance, dissimule tant bien que mal une population délaissée et appauvrie. Wang Bing fait preuve d'un devoir moral en filmant l'envers du décor et il a toute ma sympathie à cet égard. Dans le Yunnan sont filmées trois filles qui voient leur jeunesse dans le travail à la ferme et une scolarisation précaire. C'est l'exploitation des jeunes générations dans un climat campagnard économiquement abandonné. Le Yunnan nous donne plus l'impression d'être une terre de désespoir qu'un paysage de carte postale.
Car oui, "Les Trois soeurs de Yunnan" ne m'a jamais tenu en laisse un seul instant. Je m'auto-sucerais presque d'être parvenu à la fin à vrai dire. Le premier problème qui se pose ici est que Bing ne filme que l'être humain sans prendre en compte la totalité du problème, à savoir son environnement, son histoire, la politique intérieure. Moi belge n'étant jamais allé en Chine (mais c'est un projet d'avenir), je n'ai aucune idée de l'histoire du Yunnan, de sa gestion administrative, de son importance économique. Si dans chaque oeuvre que j'ai vue de lui, il y avait un minimum de description, ici il n'y a strictement rien. Peut-être que pour les chinois, ça leur parle plus mais pas à moi et quand on se retrouve dans une position d'hermétisme, c'est très mal parti pour être impacté.
Qu'on se le dise, y intégrer tous ses thèmes demande du temps, du travail, une mise en scène plus élaborée. Chose qui n'est pas rencontrée puisque Bing filme simplement, sans rien faire d'autre. Il suit comme un toutou les villageois caméra à l'épaule. Oui c'est impartial et c'est excellent car un doc se doit d'être neutre mais il n'y aucune créativité derrière. Prêtez moi une caméra et je peux partir filmer la misère humaine à une demi-heure de chez moi en posant mon cul sur un tabouret, la caméra sur la table à écouter parler les "sans-dents" du bassin minier wallon. A ce niveau de minimalisme, j'ai envie de dire que le premier débutant venu peut le faire si on lui fournit le matériel ad hoc. Et il ne me faudra pas 2h33 pour délivrer un message fort et dénoncer l'injustice. Ca en 1h, on sait y arriver. Seriously quel est l'intérêt de filmer aussi longtemps un repas ou une conversation disant que les nouilles sont trop longues ?
Je vais encore rebondir sur mes deux (très) longs-métrages fétiches. La durée de "A la folie" était tout à fait adéquate à l'état d'esprit dans laquelle le réalisateur voulait que l'on soit : être opprimé par ces longs couloirs exigus, ces chambres délabrées puant l'urine et ces grillages qui ramenaient les incarcérés à une condition animale. Quant à "A l'ouest des rails", la thématique était suffisamment vaste pour justifier sa longue durée, quand bien même quelques longueurs inévitables comme je l'ai souligné. Pour "Les Trois soeurs du Yunnan", je ne vois franchement rien.
Oui mon ressenti sur Saint-Wang Bing ne sera pas aimé de tous mais c'est la vie. Après trois désillusions, je pense que je m'arrêterai sur cette déception de trop.