J’ai envie de partir en vacances. Je visionne Les vacances de monsieur Hulot. Le guide du parfait petit baigneur, à la mode 1953, mais hors du temps, originalité stylistique oblige. Le film sur ce que devraient être réellement les vacances, l’innocence. L’enfance, la liberté, le rire, la rigueur, le burlesque. Un film à montrer d’urgence aux enfants, pour qu’ils risquent de tomber amoureux du cinéma. La magie du cinéma, artisanal, et manipulateur avec l’art du mime ventriloque. Un excitant pour l’imagination. Monsieur Hulot, c’est Tintin qui a avalé Milou. C’est Rintintin. Une grande perche, qui sème le vent, et les gaffes partout où elle passe. Et la situation la plus banale du monde, devient ridiculement absurde, et le rire peut soulager le spectateur à n’importe quel moment.
Monsieur Hulot c’est un enfant. Son capital sympathie contenu dans cette étrange fusion adulte/éternel enfant. Pourtant l’appel de la puberté passe à sa portée, sous les traits d’une ravissante blonde, qui n’est pas insensible à son côté marginal. Sûr qu’il n’est pas comme les autres garçons, lui. Mas lui, il préfère rester un grand enfant, qui s’amuse. Dans n’importe quel film sur les vacances, elle finirait au lit ; là, elle retourne au bal. L’histoire ? Les gens arrivent à l’hôtel, au bord de mer, c’est tout. Un attirail disparate de voix, (désynchronisées, d’où le côté bizarre), des couples, des petits bourgeois, employés, qui ont du mal à dissimuler la fausseté de leurs rapports sociaux. Même dans une simple partie de cartes, on voit qu’il y a quelque chose qui cloche. Et souvent plusieurs scènes se jouent dans le même plan.
Des portraits de groupe composés de façon géométrique, sans discours superflu, on dirait des tableaux de Seurat. Les gestes, et la mimique parlent d’elles-mêmes. Il se dégage une étrangeté rehaussée par le noir et blanc. Et le thème répétitif à la guitare, qui revient tout le temps, rajoute à la répétition. J’adore ce thème. Il me suit depuis des années comme un cauchemar. On est en vacances, mais on jurerait qu’ils sont toujours à l’usine, à s’épier, se chamailler, ou se pavaner, se montrer, critiquer l’un l’autre. Vrai art de la caricature, vrai pantomime de l’instant. Ces gens là, sont comme ça...
Gag génial, évident, cette porte. Cette porte de la cuisine qui s'ouvre, à chaque fois fait le bruit d‘une corde de contrebasse ( ?) Elle est désaccordée ta basse ! C’est pas grave. C’est un ressort, ou un élastique, ou une contrebasse désaccordée. Gag lumineux car infaisable, pourtant ça marche. En tout cas moi, je ris à chaque fois. Le bruitage, élément primordial. Sans lui Hulot serait plus petit. Et ce monsieur Hulot, qui n’inspire pas confiance au maître d’hôtel, qui le surveille du coin de l’œil…Comme on surveille un garçon qui va faire une bêtise. Un film bien plus austère qu’il n’y paraît. Cadré par un maniaque. Il nous parle d’une époque révolue donc rêvée. Celle de l’insouciance, des premiers congés payés, et si t’as pas connu cette époque, moi non plus, c’est pas grave. Même si t’as jamais eut de congés de ta vie, tu ressens comme un brin de nostalgie, comme un regret te parcourir l’échine. Quel regret ?
Des moments cultes. Ainsi la partie de tennis que Hulot gagne à tous les coups, grâce à sa technique très particulière. Et le bruitage n’est pas étranger à l’affaire. Rires. Des personnages tous plus ou moins déshumanisés, qui disent plus sur la classe moyenne de l’époque que beaucoup de petits drames domestiques d’époque. Ses manies, ses tics, son besoin de posséder. Ceci est ma place. Chacun chez soit. Ceci est à moi. Etc. C’est sûr que Hulot, le serviable maladroit, n’a rien à faire parmi eux, et repartira tout seul de son côté. Et soudain un pneu éclate ! Dans un autre film, (normal), tout le monde sursauterait, mais ici on est en plein après-midi récréative. Au diable les convenances de la vraisemblance absolue. Ces personnages sont des poupées de plastiques héritées du muet. Ils sont comme Hulot atteint de cécité affective. Des gags débiles, voire niais, l’accumulation et la répétition fait œuvre. Sans comprendre, ça devient poétique. Autodérision de la France d’après-guerre, image d’Epinal frelatée, décalée la farce de Tati, et qui touche un public universel. Et oui…