Les Valseuses par Cinemaniaque
Il existe des moments de cinéma comme ça où, l'air de rien, un truc se passe. Un truc tellement énorme qu'on n'y croit pas, et pourtant il est là. Un truc qui veut qu'un mec, quelque part, parvient à réaliser un film à la fois très personnel et terriblement universel, d'emblée inscrit dans son époque et capable malgré tout de traverser les âges. Ce coup de cul, c'est Blier, junior, qui l'a eu avec ses valseuses grosses comme des montgolfières : et vas-y que ça cause de fesses, et vas-y que ce sont des marginaux les antihéros paumés dans une France qui les rejette (faut dire qui font rien pour se faire accepter les jeunes). Blier n'en est certes pas à son coup d'essai à ce moment-là (35 balais au compteur quand même), mais il parvient à apporter une vision si personnelle et en même temps si convaincante sur la jeunesse désabusée post-68 que je ne peux qu'applaudir. Les Valseuses, c'est l'art de la comédie dramatique, ou peut-être du drame comique, par excellence, avec sa France moche et rétrograde, ses dialogues influencés Audiard mais très personnels malgré tout, dont la plume qui les a écrit a préalablement été trempée dans l'acide et la cyprine. Mais le film ne serait rien sans ses deux loubards, ses deux génies de l'interprétation que sont Depardieu et Dewaere, duo formidablement cohérent et homogène. Pour le coup, parce qu'il a osé chambouler les codes de l'époque, parler des sujets tabous et proposer des antihéros réalistes, parce qu'il a abordé la mise en scène de manière très personnelle et parce qu'il a révélé des acteurs inoubliables, Blier a su initier une deuxième Nouvelle Vague à lui tout seul, qui n'a jamais été suivie par ailleurs si ce n'est par lui-même. Tant mieux et dommage, mais les Valseuses reste un monument au-delà du statut de film culte qu'il mérite tout autant.