Les Valseuses par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Jean-Claude et Pierrot sont deux petits loubards de banlieue pas trop décidés à travailler, préférant passer leur temps à terroriser, par jeu, les habitants de leur cité. Un soir, à la fermeture de son magasin, ils s'en prennent à la voiture d'un coiffeur nanti et infidèle. Ils en profitent pour emmener avec eux Marie-Ange, sa petite amie au grand cœur. En effet celle-ci n'éprouve aucun plaisir en amour préférant en donner. Le "trio infernal" part alors en cavale à travers la France. De nombreuses aventures mouvementées, tragi-comiques et parfois dramatiques vont émailler leur périple.


Ce film de Bertrand Blier fit quelque peu scandale à l'époque vis à vis de certains pour son impertinence et sa virulence aux niveaux des images et du propos. Et pourtant le problème des banlieues pointait déjà à l'horizon. Le réalisateur nous montre à travers les personnages une certaine jeunesse désoœuvrée, sans grandes illusions devenue révoltée et agressive. Malgré la violence, de bons sentiments et même de l'amour ressortent parfois de leur personne. Il ne sont pas dénués de générosité et de tendresse envers les malchanceux de la vie qu'ils croisent au détour de leur périple. C'est le côté optimiste de cette aventure. Par cette manière de traiter ce délicat sujet, nous ne pouvons nous empêcher d'avoir une certaine sympathie, de la tendresse et beaucoup de compréhension vis à vis de ces jeunes paumés. Ils tentent, comme ils le peuvent, de tuer le temps qui pour eux n'amène rien de concret, s'en prenant vigoureusement aux symboles d'une certaine société conventionnelle au sein de laquelle ils se sentent déphasés et délaissés. Marie-Ange, la bonté même, est le personnage catalyseur désinvolte de ce couple de garnements, offrant son corps et son amour de façon tout à fait désintéressée.


C'est vrai, ce film anticonformiste est relativement cru dans ses dialogues et dans son déroulement. Pourtant Bertrand Blier ne pouvait décrire cette jeunesse paumée avec autant de réalisme et de talent. Le ton est juste, efficace et les réparties sont souvent percutantes et parfois drolatiques. A mon avis, ce film n'est pas aussi provocateur que cela, contrairement à ce que pourraient penser certains. Il est juste un cri d'alarme sous forme de pamphlet efficace dénonçant une société sournoise, cruelle et individualiste, une société ne jurant que par les "bonnes manières" en omettant, volontairement, de tendre la main à ceux qu'ils ne jugent pas être à leur "hauteur". Pour recevoir ce virulent message, c'est avec joie et une pointe d'émotion que l'on retrouve le trio fabuleux constitué de Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou, interprétant des rôles sur mesure proches de leur propre personnalité d'écorchés vifs. L'une des grandes surprises de ce film est de voir apparaître Jeanne Moreau belle, émouvante et poignante. Elle interprète le rôle Jeanine, une femme sortant de longues années de prison. Sans aucun espoir, mutilée dans sa chair et dans sa tête, elle s'offre, avec nos deux loubards au cœur tendre et sincère, un dernier plaisir avant de disparaître à jamais.


Il faut féliciter le courage de Bertrand Blier qui, dès 1974, à travers cette œuvre atypique, abordait déjà de grands sujets de notre société avec sa manière si particulière et virulente. Notre société ne s'améliorant pas ce film s'inscrit toujours pleinement au sein de l'actualité. Ainsi "Les Valseuses" n'ont pas pris une seule ride et continuent de nous surprendre et de nous alerter.

Grard-Rocher
8
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le 6 avr. 2013

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