Sorti en 1993 et réalisé par James Ivory, Les Vestiges du Jour narre les récits d’un majordome sur la montée du nazisme dans les années 30. On peut le qualifier de drame romantique sur fond de guerre imminente, puisque c'est aussi une histoire d'amour impossible entre le majordome et sa gouvernante. C'est une leçon magistrale sur le renoncement de soi-même, personnifié par un Anthony Hopkins tout en nuances et en sensibilité. D'un simple regard, il arrive à transmettre des émotions complexes. Alors certes, l'économie et la sobriété de son jeu peuvent parfois s'apparenter à une trop grande froideur, mais c'est pour mieux entrer dans son personnage de majordome dévoué à son métier et à son "maître". Et finalement, cette retenue et cette loyauté, dans un contexte politique "brûlant", c'est ce qui le rend si touchant.
Les Vestiges du Jour raconte l'introspection à laquelle procède Mr Stevens (Anthony Hopkins), un majordome anglais vieillissant au service de l'Américain Lewis (Christopher Reeves), nouveau propriétaire de Darlington Hall. Nous sommes en 1956 et Mr Stevens est en voyage pour retrouver Miss Kenton (Emma Thompson) la gouvernante avec laquelle il fut au service de Lord Darlington (James Fox) près de vingt ans plus tôt au milieu des années 30. Mr Stevens sert d'une belle façon la maison de sa vie, avant la mort de son père William Stevens (Peter Vaughan) qui opérait dans le même service à 75 ans. La maison est immense et compte nombre de serviteurs.
Son "maître" Lord Darlington a milité, malgré la montée du nazisme, pour un rapprochement avec l’Allemagne et Mr Stevens a participé à de nombreux meetings, sans émettre le moindre jugement. Et même s'il ne souhaite rien laisser paraître, on remarque bien un chamboulement intérieur dans la vie du majordome qui laisse deviner que des questions lui trottent dans la tête. Et même si ça doit remettre sa vie et son avenir en question, ça n'aura aucun impact sur son service. Malgré l'ampleur des événements et la gravité du moment, il semble faire abstraction du monde qui l'entoure.
Dans Les vestiges du jour, James Ivory a parfois du mal à trouver le juste équilibre entre la romance et le récit politique, pour la simple et bonne raison qu'il ne parvient jamais à créer du lien entre l'histoire d'amour contrariée et les rapports qu'entretient Mr Stevens avec le très controversé Lord Darlington. Cependant, c'est en maintenant l'opacité tenace d'un protagoniste fascinant, qu'il réussit malgré tout à rendre à la fois ambigu le rapport de ce dernier à la politique et émouvante son incapacité à dévoiler ses sentiments à Miss Kenton.
On ne présente plus Anthony Hopkins et Emma Thompson, qui font parti des meilleurs acteurs de leur génération et ici encore, ils sont à la hauteur de leur réputation. C’est aussi un plaisir de voir Christopher Reeves, dans un second rôle certes, mais un second rôle d'importance. Mais même si j’adore leurs performances, je ne peux pas m'enthousiasmer pour un film qui manque à ce point, d’un point culminant de quelque nature que ce soit dans son récit. Alors certes, c'est subtil et délicat tout ça, mais il manque une conclusion satisfaisante dans cette histoire d'amour contrariée qui s'étale tout de même sur plus de vingt ans. Mr Stevens continue une vie très codifiée, voire même ennuyeuse, sans jamais dévier d'un pas. Je comprends l’aspect psychologique du personnage et son incapacité émotionnelle à lui donner quoi que ce soit en retour, mais cela nous amène à cela, c'est à dire que sur plus de deux heures leur histoire d'amour évolue (trop) peu.
James Ivory parvient dès les cinq premières minutes à vous faire entrer dans son monde. Que ce soit la photographie, les costumes, les décors, les meubles ... sur le plan artistique, c'est un sans-faute absolu. Les années 30 sont parfaitement reconstituées et la mise en scène est très soignée. Le film vous enveloppe dans l’atmosphère d’une époque et d’un lieu qui semble si réel, que vous avez l'impression d'en faire partie intégrante. J’aurais juste aimé ressentir la même chose à propos de l'histoire d'amour. Ce n’est pas que je ne l’ai pas cru, c'est juste que je ne l’ai jamais réellement ressenti. Je comprends qu'Anthony Hopkins est censé se retenir, mais je n’ai pas ressenti la passion amoureuse et féroce qui s’est apparemment développée entre lui et Emma Thompson. Il y a quelques scènes qui sont magnifiques et émouvantes, surtout celles situées à la fin du film, mais elles semblent séparées de l’ensemble.
Bref, Les Vestiges d'un Jour est un beau film d'époque romantique de James Ivory, maître en la matière. Cette histoire d'amour contrariée est très prenante, mais elle manque parfois de passion et est un tantinet longuet sur la fin. Le film doit beaucoup à la magnifique interprétation d'Anthony Hopkins et Emma Thompson, formidables tous les deux et parfaitement en phase avec leur personnage. J'aurais aimer l’apprécier bien plus encore, car le film a de nombreux atouts, à commencer par la reconstitution des années 30, le propos politique dans l'entre-deux-guerres et beaucoup de raffinement dans l'histoire d'amour qui pour moi est le cœur du film. Mais voilà, pour moi le film souffre d'un rythme (vraiment) trop lent par moment et d'une histoire d'amour qui au final a du mal à décoller.