Déterrons la ganache de guerre
Si ça continue, je vais vraiment la lancer, moi, cette fichue liste sur les films délicieux de la cambrousse française avec les chopines qui se succèdent, la cochonnaille qui s’empile, les foires aux escargots, les bals populaires, les jolies donzelles troussées dans la paille et les siestes à l’ombre des saules pleureurs…
Revoir ce classique du film de vieux bougons juste après avoir découvert grâce à JuDedalus le chef d’œuvre d’origine de René Fallet n’est pourtant pas chose aisée, d’abord, il est où l’âne, il était tellement chou ce vieux baudet cacochyme, il m’a manqué tout du long… ensuite c’est quoi ces dialogues, on dirait du Audiard, pas du Fallet, le second aurait pu un peu plus surveiller le premier, foutreputerelle ! il y avait tellement de mots savoureux dans son merveilleux livre…
En plus, ça gueule tout du long, vous me direz, dans le livre aussi, mais ça s’entend moins, ici, je les adore, moi, ces trois petits vieux, mais Gabin, Fresnay et Noël-Noël qui hurlent à qui mieux mieux pendant une heure trente, à un moment, ça fatigue les esgourdes…
Pour le reste, c’est comme prévu, on savoure du pinard du début à la fin, l’âme en paix, on savoure au café du village, sur les tombes des amis, dans les fermes de son enfance, partout, sauf à l’asile des vieillards, tiens, à se demander pourquoi ils tiennent tant à y arriver ces vieux pochtrons-là… Faut-il être fourbe, quand même…
Dans les adaptations cinoche de Fallet, le monde moderne est particulièrement répugnant, un terrain de football, de la musique de sauvage, des chauffeurs de car souffre-douleurs… bientôt, ce petit road-movie pédestre de trois dinosaures casse-couilles qui hurlent leur Verdun, leur Marne et la Gisèle arrangée un soir dans la brouette, ça n’existera plus… nos vieux s’en rendent bien compte, les pôvres, c’est le baroud d’honneur, la dernière charge à la baïonnette de Camerone, vaille que vaille, jusqu’au dernier goulot, et Dieu reconnaîtra les siens…
Je ne sais pas pourquoi, j’ai longtemps rêvé que ce film était de Denys de la Patellière, vous savez, le type qui nous a quitté le mois dernier, et bien, je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est un Grangier, hélas… le cinéma y perd un chef d’œuvre possible... ça se regarde, heureusement, mais vous feriez quand même mieux de lire le bouquin…