En préambule, je dirais qu'il ne faut pas juger quelqu'un de manière impromptue.
Pourquoi dis-je ça ? Tout simplement parce qu'en lisant un jour une interview, j'ai appris que Les virtuoses est le film préféré... de Patrick Sébastien ! Curieux de ce nom, je jette un œil sur l'affiche, les acteurs, le sujet, et j'avoue que je n'en avais jamais entendu parler.
Les virtuoses raconte la crise des mines anglaises qui ferment les unes à la suite des autres entre les années 1980 et 1990, et dans ce cas précis, l'auteur se concentre sur un petit village dans le nord du pays, menacée de voir sa mine, la seule source d'emplois du coin. Il y a une bataille entre les syndicats et la direction, mais en attendant le vote concernant les primes, certains des mineurs jouent dans une fanfare, et leur talent pourrait les emmener loin.
Le film ne cache pas les difficultés des ouvriers, aussi bien dans leur travail que dans leurs foyers, où ils sont à la merci des dettes, des loyers, et le stress ne va pas en s'arrangeant avec l'annonce de la fermeture de ce qui les fait (sur)vivre.
Autant dire que la fanfare est représentée comme une soupape positive, où chacun peut ressortir ce qu'il a de bon, en espérant des jours meilleurs, quitte à empiéter sur la vie de famille. C'est peut-être l'aspect Ken Loach moins le didactisme qui a réussi à séduire tant de monde, alors que c'est une minuscule production qui n'était pas vouée à avoir tant de succès.
On va suivre en particulier une histoire, que j'ai trouvé magnifique, celle d'un mineur qui a énormément de mal à joindre les deux bouts, qui a une femme et quatre enfants, au point qu'il a un autre emploi en tant que clown pour les anniversaires. Il joue dans la fanfare auprès de son père, qui est le chef, mais dont ce dernier est gravement malade, crachant des glaires noires. Ces deux acteurs, joués par Stephen Tompkinson et Pete Postlethwaite, sont très touchants dans les difficultés qu'ils traversent, jusqu'à des scènes surréalistes où le premier, encore dans son habit de clown, rentre chez lui, et se voit saisir ses biens à cause de ses impayés.
Il y a également Ewan McGregor, qui est très bien également, qui joue aussi un mineur ayant une relation avec une des secrétaires de la direction qui menace de fermer la mine ... autant dire que la relation est compliquée. Cette histoire est plus secondaire ; a-t-elle été rajoutée à cause de l'acteur, alors auréolé du succès de Trainspotting ?
C'est souvent triste, le désespoir est là, mais la fin du film sonne comme un magnifique appel à la résistance, sous toutes ses formes, et au soulèvement d'une population qui ne voit ces mineurs que de loin, avec une très belle scène finale qui sonne comme un espoir. Plutôt vivre debout que de mourir comme un chien...
Les virtuoses est l'exemple même du film qui s'est fait tout seul, où le bouche-à-oreille l'a porté au-delà de son pays d'origine, jusqu'à une ribambelle de prix, dont un César en 1998. Dommage que Mark Herman n'ait pas confirmé après un si beau film, mais il résulte de tout ça, malgré la tristesse ambiante qui s'en dégage (et ça n'est pas qu'à cause du climat) que la lumière est au bout du chemin, et de la fanfare.