''Les visiteurs'' nous largue d'emblée dans une bulle bien confortable, aux USA, où vivent Bill (le personnage principal), sa femme Martha, son enfant Hal, et le père de Martha, Harry, vétéran de la seconde guerre mondiale. Rien ne les préparaient à une visite qui allait perturber leur quotidien, somme toute pas très guilleret et plutôt routinier. Voici qu'arrivent Mike et Tony, vétéran de la guerre du Vietnam et camarade de l'armée de Bill. Il y a quelques années, Bill les a dénoncés pour le viol et le meurtre d'une jeune VietCong.
Par un enchevêtrement inutiles d'actions futiles, Kazan nous mène peu à peu vers une violence qui tout au long du film est tangible. La tension est palpable, autant que la peur qu'éprouve Bill envers ses ancien camarades de guerre. Il sait qu'il va devoir payé. Et voilà tout le problème du film. Il sait dès le début qu'il va payé et on le sait avec lui.
Le scénario aurait pu être original si Kazan fils avait poussé un peu plus profond dans les personnages. On ne sait rien d'eux. La guerre les a détruits, d'accord. Tony et Mike veulent se venger d'accord. Ils ont du mépris pour Bill, tout comme Harry. Pour eux, ce qu'ils ont fait était normal et le fait que Bill est refusé de les suivre dans son action fait de lui une sorte de demi homme, plus près de l'homosexuel que de l'hétérosexuel et donc coupable d'un crime encore plus grand que la dénonciation dont ils ont été les victimes : coupable de na pas être comme eux. Bill cependant semble avoir autant de mépris pour lui même que Harry, Tony et Mike en ont pour lui. Une sorte de dégoût. On apprend qu'il regrette. Sans doute se sent-il lâche ? Martha quant à elle, a des position féministe et humaniste, comme si elle était le personnage de la morale et de la raison. Et pourtant, on peut la voir soumise à cette vie. Elle s'occupe de tout : de l'enfant, du mari, de la maison, du père vieux et névrosé. Chacun des personnages auraient pu apporter son lot de vérités et de blessures au film si Kazan, fils et père, avaient fait en sorte de révéler au spectateurs les failles des personnages. Ils ont des failles, naturellement, mais elles sont moindres, sans aucune importance scénaristiques. Les failles des quatre hommes sont la guerre. Les failles de la femme sont son amour pour son fils et son mari. Autant dire que l'un dans l'autre, les Kazan traite de sujets communs d'une manière un peu commune.
Cependant, l’éclatement de la violence aurait pu donner au film une profondeur scénaristique et le faire rebondir. Le spectateur manque de s'ennuyer. Peut être Kazan l'a-t-il senti ? Alors pourquoi ne pas placer une violence exacerbé vers la fin pour redonner du peps à mon film. Sauf que Kazan nous embarque encore et toujours dans la même mise en scène sobre et neutre, sans jamais prendre à parti la violence elle même, comme si les personnages en étaient eux même spectateurs. La bagarre entre Mike et Bill est une suite consécutives d'acte manqués. Ils se poursuivent, l'un prenant peu à peu le dessus sur l'autre jusqu'à ce que Mike est sa revanche. La scène du viol semble ne pas en être une, mais seulement un geste d'amour d'un méchant fragile envers une jeune femme dont la beauté et la morale ont piqué le cœur. A voir ainsi Mike violer Martha, on dirait qu'ils se rendent un service. Martha donne un peu de douceur à Mike et Mike donne à Martha ce qu'elle semble ne pas avoir avec Bill, une sorte d'érotisme sexuel, un fantasme lointain. Malgré tout, cela reste un viol. La scène finale est complètement raté. Un homme en sang
tente de se relever, une femme déchue le fait à sa place. On en reste là.
Et le spectateur à n'y rien comprendre, si ce n'est seulement que le film avait un but, la vengeance de deux hommes contre celui qui les a fait tombé.
Le film n'est pas un ratage complet en soit. Le jeu des acteurs est là. N'est ce pas ce film qui a révélé James Wood ? Certes, le jeu des acteurs vaut le détour, il est simple et puissant, comme la brise au début du film, qui souffle doucement sur la maison mais dont on sent la puissance. La caméra super 16mm donne au film une ambiance à la fois douce, feutrée et glauque. L'utilisation de cette caméra est du au budget restreint de Kazan pour ce film, ce qui permet en même temps de donner un ton au film, une ambiance, celle là même qui donne au film sa force, aussi petite soit elle. La mise en scène est d'une lenteur insupportable, ce qui permet sans doute à la violence d'éclatée avec plus de brio encore. La scénario, qui laisse deviner la fin dès le début (ou presque), semble tout dire de la guerre, de ses méfaits, mais il ne dit rien. Il laisse en suspend toutes les questions que le spectateur se pose, que les personnages semblent eux même se poser. Tour à tour pour, tour à tour contre la guerre, Kazan voudrait faire passer un message, mais lequel ? Un film sur la guerre du Vietnam en 1972, alors que celle ci n'est pas encore terminée. Il fallait oser. Mais aurait-il fallu dépassé le simple stade de la blessure de la guerre et de la violence et de la folie qu'elle engendre chez les gens.
C'est à juste titre que ce film de Kazan est peu connu. Kazan, fils et père, pensent dénoncer quelque chose, mais le discours est vide. Heureusement que les acteurs sont là pour rattraper et polir le tout avec subtilité, grâce à un jeu tout en finesse. On ne doit cependant pas oublier de Kazan qu'il a réalisé certains des plus grands films du cinéma hollywoodien des années 50's et 60's. Il nous aura laissé ''A l'est d'Eden'', ''América, América'', ce qui, il faut l'avouer, n'est pas rien quand même.