"Los ojos de Julia" est un film qui veut se différencier des schémas narratifs du thriller classique, qui essaye de provoquer en nous des émotions fortes, se voulant être un film avant tout angoissant.
En effet, Morales tente ici d'imposer un rythme effréné sur une très longue durée. Dès la première scène, et ce jusqu'à la moitié du film, nous sommes plongés en pleine action, en plein suspens. Ce n'est qu'au milieu du film, lorsque Julia est en convalescence, que nous avons droit à une véritable pause. Avant et après, l'ambiance se veut lourde, le réalisateur mise un maximum sur le suspense et les courses-poursuites entre l'héroïne et le mystérieux psychopate qui la pourchasse.
Certains apprécieront donc que l'on soit ainsi projetté dans l'action, sans perdre notre temps en bavardages inutiles.
De plus, le thème de l'aveugle est plutôt original, peu traité dans le cinéma, et apporte donc une dimension intéressante au film. J'ai ainsi particulièrement apprécié ces scènes où Julia souffre temporairement de perte de vue, et où la caméra ne nous montre pas le visage des personnes à qui elle parle. C'est sans doute ici la plus belle idée du film : nous mettre dans la même situation que la mal-voyante, contraindre notre champ de vision et nous donner la même perception que l'héroïne.
Cependant, une poignée de bonnes idées ne suffisant pas à faire un bon film, "Los Ojos de Julia" souffre de plusieurs gros défauts qui m'ont empêché de vraiment l'apprécier, et qui ont maintenu une certaine distance entre l'histoire et moi-même.
Tout d'abord, nous plonger dans l'action sans vouloir nous faire perdre du temps est certes louable, mais le peu de temps consacré à l'introduction des personnages m'ont également empêché de m'intéresser à eux. D'ailleurs, les scènes de suspense sont bien trop abondante, et j'ai trouvé le dosage peu efficace. Pour résumer la première heure du film, dès que Julia est seule dans une pièce, il y a un psychopate dans la salle. Si son mari va acheter du pain, on sait que le psychopate se trouve dans un rayon de 30 mètres. Au bout d'un moment c'est lassant, c'est téléphoné, et toute émotion ou peur que devrait nous procurer une scène de course poursuite s'efface pour laisser place à l'ennui.
Ces deux éléments, l'inintérêt du personnage et l'exagération dans l'usage des scènes à tension, ont fini par provoquer chez moi une indifférence vis à vis du personnage : elle aurait très bien pu finir par se faire attrapper par le personnage, je ne pas que cela m'aurait beaucoup importé.
Pourtant dans un tel thriller à suspense, il est essentiel que nous puissions ressentir l'angoisse et la peur du personnage. Or le film échoue ici au bout de 20 minutes, en tout cas en ce qui me concerne.
Par ailleurs, mon manque d'intérêt ne s'est pas seulement étendu à l'héroïne, mais aussi au méchant qui la pourchasse (donc à partir de là, je crois que c'est tout le film qui ne m'intéressait plus). Le thème évoqué de " l'homme invisible", d'un mystérieux personnage qui n'aurait "aucune lumière en lui" (je cite) s'annonçait plutôt intéressant. Mais une fois que l'identité du méchant nous est dévoilé, on apprend peu de choses sur lui. L'étude psychologique du personnage est inexistante, ou plutôt superflue : on nous dit qu'il est le fils de la vieille aveugle au fond du jardin, mais cela ressemble plutôt à du remplissage car au fond, est-ce que savoir le nom de sa mère nous aide vraiment à le comprendre ?
A partir de là, le méchant perd de sa crédibilité, et on se dit : "mais qu'est-ce qu'il a à être aussi violent et fou ? "
Ah oui c'est vrai, il faut qu'il soit comme ça pour effrayer l'héroïne et le téléspectateur. Après avoir découvert le psychopate qu'on attendait tant, celui-ci nous apparaît finalement comme un coquille vide. Décevant !
Rajoutons à cela que la touche de gore vers la fin du film est inutile, malvenue, et même très agaçante. Comme si Morales s'était aperçu que son usage abusif de scène de suspense perdait de son effet, et qu'il fallait trouver quelque chose pour en foutre plein les yeux au téléspectateur. Ne parlons même pas de la toute dernière scène, qui frôle le ridicule et en est presque comique !
Ah j'oubliais ! Le scénario s'est aussi amusé à rajouter un deuxième méchant qui apparaît 5 minutes à l'écran, et qui serait en fait un pervers sorti de nul part qui lui aussi chasse Julia. Pourquoi cet ajout inutile ? Pour rajouter des scènes de suspense, comme si nous n'en avions pas déjà assez. A croire que c'est la seule chose que le réalisateur est capable de nous servir.
Les Yeux de Julia est donc un film volontaire, qui n'hésite pas à casser les conventions et les codes narratifs. Et s'il ne démarre pas trop mal, on finit par se perdre dans cet abus de scènes "tendues", l'intérêt initial s'évapore alors pour nous laisser dans un ennui relatif. Les 2 heures de film se laissent regarder, mais sans jamais réussir à nous faire sauter de notre fauteuil, ce que le réalisateur essaye pourtant de faire des premières aux dernières secondes.
On peut regretter que le thème du rapport entre l'aveugle et le monde qui l'entoure n'ait pas été plus/mieux exploité (comme ont pu le faire les japonais avec la saga Zatoichi), ainsi que l'exploration du méchant qui n'est finalement jamais vraiment arrivée.