"Child's Play" est loin d'être un Lumet passionnant, c'est même un film assez moyen tout pris en compte, mais j'ai trouvé qu'il parvenait à se démarquer par son sujet même, assez éloigné de ce que laisse penser l'emballage et toute la première partie. Pour le dire grossièrement, on croit s'aventurer dans une variation de "L'Exorciste" en milieu catholique alors qu'on est plus proche du thriller psychologique et de la lutte de pouvoir souterraine.
Lumet adapte une pièce de théâtre, et sans que le film ne ressemble (même de loin) à du théâtre filmé, il reste malgré tout un petit quelque chose de rigide. Le procédé est classique : on utilise l'arrivée d'un nouveau personnage dans un lieu donné (ici Beau Bridges, particulièrement peu charismatique dirons-nous) pour nous faire découvrir les règles et la géographie des lieux en question, en même temps que lui. C'est ici un jeune prof de sport qui débarque dans une école catholique, découvrant des actes de violence entre élèves assez peu communs. Évidemment, quelque chose de louche se trame. En plus de Bridges et de la nuée d'élèves, deux autres personnages masculins composent le casting : deux illustres professeurs aux méthodes opposées, James Mason en prof de latin exigent et austère, Robert Preston en prof d'anglais cherchant la connivence en étant cool.
Ce n'est pas un Lumet majeur, loin de là, mais c'est intéressant de voir comment une toile à la limite du fantastique commence à se tendre, tandis qu'une menace indéfinie se déploie — on ne comprend rien aux agressions —, avant de laisser place à un tout autre champ. Le cœur du moteur dans "Les Yeux de Satan" (titre français disgracieux), c'est la rivalité entre les deux pontes, s'accusant mutuellement des dérives, l'un d'entre eux ayant recours à des méthodes assez peu orthodoxes pour asseoir sa domination, avec en prime une petite énucléation gratos. Le tout sous le regard bien trop neutre des officiels religieux suivant l'affaire de loin. Ce sont des figures intéressantes détournées par Lumet, le prof adulé contre le prof détesté, et en filigrane une allégorie de la chute vers le fascisme baignant dans la complicité des uns et la peur des autres.