Le premier long-métrage d'Alexande Koberidze est une expérience sensorielle hors du commun. Entièrement tourné avec la caméra d'un smarphone en basse définition, les images sont instables, dansantes, estompées, parfois jusqu 'à l'abstraction. Cette sorte de flou pixellisé produit des images d'une beauté étrange, captivante et envoûtante . L'absence quasi totale de dialogue est un hommage au cinéma muet, dont la musique surgira, parfois, ainsi que des intertitres. Un premier temps nous montre des images luxuriantes de la nature puis elles glissent vers l'urbain, jouant avec toutes les géométries qu'offre la ville. Le travelling arrière sur des lampadaires surgissant telles des soucoucoupes volantes dans la nuit est totalement onirique. La gare, les trains sont des lieux où l'on passe beaucoup de temps, car le personnage principal se rend toujours quelque part. Ses déambulations nous montrent de manière documentaire la vie qui se déroule à Tbilissi, de jour et ses quartiers multiplient les possibilités de prises de vue. Parfois, les choses et les êtres sont cernés de noir, d'autre fois, l'image est grattée. Un collage de musique très différentes accompagne le film, par intermittence, réussissant souvent à ce que les deux éléments (image/son) s'amplifient mutuellement ou sont de connivence. Les gros plans « bressoniens » sur les mains sont aussi remarquables. Après vingt minutes muettes, celle qui sera la narratrice entre en action en voix off. Elle commente ou anticipe . Ce qui est incroyable, c'est que tout ce qui est filmé présente un intérêt ; Koberidze sait voir le beau dans l'ordinaire, avec sa petite caméra, libre et prenant son temps, filmant des animaux, des enfants, des personnes en train d'exécuter une tâche. La guerre de 2008 est évoquée à plusieurs reprises. Mais le film voue aussi un grand intérêt pour la nuit, lumières diffuses, images en gros plans saturées, sens du cadre entre ombre et lumière et les véhicules la nuit sont très photogéniques... Parfois, le film connaît une accélération comme des cut-up jour/nuit. C'est aussi un cinéma qui sait être discrètement facétieux, je pense aux scènes avec les animaux, et dans le choix de certains cadrages qui, par la légèreté du matériel utilisé, se permet toutes les audaces. L'homosexualité du personnage principal nous est révélée par le biais d'un travail à effectuer. Son idylle avec un policier semble être associée à la ville. Le film s'achève par le retour au pays, par le train, évidemment et par un beau travelling arrière.

abel79
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le 18 mars 2022

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