Comment reconnaître un grand film ? Il est question de qualité, mais également d’aura, de prestige peut-être. Les débats à ce propos sont infinis. Problématique du même ordre mais différente, à quoi reconnait-on un film important ? On peut inscrire là certains critères, qui loin d’être suffisants, permettent toutefois de contribuer à une telle qualification. Un film engagé politiquement ? Un film novateur au niveau technologique ? Un regard pertinent sur un sujet délicat ? Un film dont l’existence même selon son contexte de réalisation fait sens ? Rien de figé, cependant on peut déceler des pistes de réflexions. Sans rentrer dans un jeu de grille, de critères établis, L’étreinte du serpent est un film important.


Dans sa note d’intention, le réalisateur Ciro Guerra dit « (…) Voilà de quoi il s’agit. Une terre de la taille d’un continent qui reste à raconter. Une terre jamais montrée par notre cinéma. Cette Amazonie-la à disparu. Mais le cinéma peut la faire revivre. » Dans sa conception même, son long-métrage convoque un enjeu identitaire et historique fort, en même temps qu’un enjeu de cinéma crucial. En effet, L’Étreinte du serpent fait date dans l’histoire du cinéma. D’une part, comme le rappelle le dossier de presse « [il] s’avère être le premier film de fiction tourné en Amazonie depuis plus de 30 ans. C’est également le premier film de fiction colombien ayant pour personnage principal un Indien, et le premier film raconté du point de vue des sociétés ancestrales, faisant le lien entre deux histoires. » De plus, le tournage compliqué dans la jungle l’a transformé en véritable expérience de vie, et expérience humaine entre différentes cultures. Ce dialogue entre cultures, en plus d’être un des sujets du film, se retrouve directement dans le scénario. A la fin de l’écriture de son script, Ciro Guerra fut aidé par le scénariste Jacques Toulemonde afin de donner une intelligibilité occidentale à un récit inadapté à la lecture et à la conception des occidentaux. C’est une belle prouesse que de traiter ainsi avec l’ethnocentrisme du spectateur, pour lui rendre visible celui de certains personnages.


Il ne s’agit pas là de mentionner des éléments de fabrication comme des anecdotes ; au contraire, ce sont des informations essentielles pour embrasser le film dans sa globalité. Le scénario est une merveille de symbiose entre récit indien et occidental, certes, mais cela fait sens avec le propos même de l’Étreinte du serpent, entre mises en abyme et miroirs. Rares sont les œuvres possédant une telle appropriation du temps ; c’est le cas ici grâce à la nature du récit, évoquant la non-linéarité du temps et de la vie dans cette cosmogonie indienne. Le film, lui-même non linéaire, compose parfaitement avec ces éléments en captant d’abord le spectateur par les personnages de l’anthropologue et de l’ethno-botaniste, puis de faire infuser au fur et à mesure le point de vue de Karamakate – véritable protagoniste – et de la culture indienne.


Suite de la critique : https://twoloversmag.wordpress.com/2016/01/25/letreinte-du-serpent/

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le 15 janv. 2016

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