« You didn’t even remember me »

Elle est tombée amoureuse de lui depuis les premières cascades de notes, que seul le piano peut rendre ainsi. Elle est tombée amoureuse de lui dès qu’elle l’a vu sortir de chez lui, insouciant et rayonnant, tandis qu’elle se tenait à la porte. Il n’a plus quitté son esprit, ni son cœur. Elle a monté et descendu ses escaliers, encore et encore, le plus souvent, elle n’y a trouvé que déception et tristesse. Elle l’a connu, elle l’a aimé. Elle a prononcé son nom, il a tressailli…
Il l’a vue dès le premier instant, sans comprendre. Il l’a vue et revue sans la connaître ni la reconnaître. Il l’a cherchée inlassablement à travers sa musique. Il a traversé la vie en multipliant les conquêtes amoureuses. Il a vénéré durant des années une déesse inconnue, espérant sa venue. Il a abandonné, il n’y croit plus, comme il a abandonné son piano et sa musique.
Elle lui a écrit enfin… Elle s’est dévoilée enfin… Il l’a découverte enfin, le visage ruisselant de larmes, il a reposé la lettre.

C'est lui qui lit la lettre, mais c'est sa voix à elle qui résonne. Une voix posée, sans aucun accent mélodramatique, sans reproche, sans aigreur. Une voix qui raconte sa douleur, mais une voix apaisée et apaisante. Le ton est sobre et pudique.

Joan Fontaine est époustouflante dans cette histoire où elle incarne tour à tour avec aisance une adolescente, une jeune fille mystérieuse et réservée puis une femme mûre et sûre d’elle-même. Letter from an Unknown Woman est un drame qui ne verse jamais dans un excès de pathos. Tout sonne juste depuis les notes de musique jusqu'aux aux paroles et aux attitudes. Un film d’une grande beauté.