"Do not go gentle into that good night"

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L’intelligence de Eastwood et Spielberg a bien été de filmer simultanément Flags of our Fathers et Letters from Iwo Jima, proposant parallélismes et contrepoints qui viennent enrichir chaque œuvre individuellement, le tout devenant supérieur à la somme de ses parties. On inverse donc ici les rôles, faisant des GI cette masse d’antagonistes désindividualisés, impersonnels. C’est donc la mentalité de l’armée japonaise, à bout de souffle, qui intéresse le cinéaste.


Et comme à son habitude, Eastwood déroule son analyse par le prisme de la figure héroïque. Si Flags parlait de la construction de toutes pièces de figures derrière lesquelles se rallier, Letters questionne l’utilité de l’héroïsme dans un tel contexte. Tom Stern, le directeur de la photographie, qualifie judicieusement le film de “noble journey into oblivion”.


Car malgré l’attente et le désespoir d’une guerre que l’on sait perdue mais qui ne veut pas cesser; Malgré le sacrifice vain qui est demandé par une patrie déchue et un honneur illusoire, qui demande à des gamins de mourir isolés sur leur île purgatoire insignifiante; Malgré la censure, l’autorité violente, la propagande, la fusillade des déserteurs, la menace de la police militaire, de tous ces mécanismes de contrôle qui chancellent dans la débâcle des derniers instants ; Malgré le pilonnage incessant des navires américains qui finit d’user les nerfs de nos soldats ; Malgré ces marines peu reluisants qui abattent froidement leurs encombrant prisonniers ; Malgré le doute qui assaille constamment les personnages, se demandant à quoi bon être des héros, pour qui, alors que tout est perdu et que leur mort ne fera qu’endeuiller leur famille, seules subsistances de ce conflit ; Malgré tout cela, ces hommes font de leur mieux pour répondre aux attentes de leur patrie, de leur culture, de leur compagnons d’armes.


Une question d’honneur propre au Japon de cette ère. Une philosophie absurde pour nous autres occidentaux, martelée par la doxa nippone jusqu’à l’aliénation de ses sujets, mais qui donne pour eux un sens à leur vain sacrifice. Alors on meurt au combat pour rester fier, on se fait sauter à la grenade pour être digne, on devient les héros d’un idéal au bord du gouffre, les héros dont personne n’avait plus besoin.


Frakkazak

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