Iwo Jima, île japonaise située dans le Pacifique, aura connu une des batailles les plus sanglantes (avec Guadalcanal, Peleliu et Okinawa entre autres) de la Seconde guerre mondiale opposant les Etats-Unis au Japon principalement.
Cette défaite stratégique importante des japonais, dont la fameuse photo des soldats américains plantant leur drapeau au sommet du mont Suribachi qui restera ancrée dans les mémoires, est portée à l’écran par le légendaire acteur et réalisateur Clint Eastwood. Il montre ici la vision des japonais après l’évocation de celle des américains dans Mémoires de nos pères, car bien que le Japon de l’empereur Hirohito est déclenché le conflit le 7 décembre 1941 sur la base de Pearl Harbor à Hawaii, les souffrances subsistent évidemment des deux côtés. Il le soulignera parfaitement avec ce diptyque.


Ayant expérimenté plusieurs genres au fil des années (western, policier, thriller, drame, romance et biopic), Eastwood s’attaque désormais à la guerre historique sur fond de drame en maitrisant une fois de plus son sujet d’une main de maître, qui n’est pourtant pas simple d’évoquer en évitant les clichés et les facilités, émotionnelles notamment. Il s’en sort remarquablement, sans prendre parti pour quiconque.
A travers le conflit, il dresse le tableau de soldats japonais (engagés volontaires ou forcés par le gouvernement pour répondre au devoir de la nation) défendant leur pays en se sacrifiant bien qu’ayant conscience de l’issue finale de la guerre.
Est écrit dans leur manuel d’instruction militaire : « Le devoir pèse plus lourd qu’une montagne, la mort est plus légère qu’une plume ».
Le gouvernement de l’ère Showa ne laissa rien paraitre, n’exposant aucun signe de faiblesse ou de défaitisme interdit dans le pays tout comme les libertés de penser et d’expression. Mais les soldats n’étaient pas tous dupes, ils se savaient impuissants quant à l’avancée américaine sur le continent, et dirigeaient par une armée et des officiers à la dérive en terme de solutions et d’idées, tant tactique, stratégique que logistique (ravitaillement en particulier).
Beaucoup de soldats étaient présents par défaut, pour faire le nombre et l’on ressent dans le film une grande tristesse suivi d’une incompréhension à ce niveau-là. La musique principale magnifique et émouvante, accompagne ses sentiments tout au long du film, ainsi que les acteurs dont Ken Watanabe et Kazunari Ninomiya, sans oublier le reste du casting.
Leur plan élaboré et conçu pour repousser les américains s’avéra payant au début mais ils seront ensuite débordés du fait d’une opposition adverse trop nombreuse. Beaucoup de japonais mettent fin à leurs jours (harakiri). Ils meurent donc avec dignité et honneur, selon leur code moral et militaire. L'accomplissement de leur devoir jusqu'à la fin de leur existence.
La façon de le montrer à l’écran est touchant, on comprend toute la souffrance de ces soldats eux aussi loin de leurs familles et amis.
La scène finale, au mont Suribachi, clôt cette bataille d’une extrême violence, qui marquera les esprits pour la fin de la guerre du Pacifique et bien après. Les Japonais connaîtront une nouvelle déroute à Okinawa quelques mois plus tard.


Avec Lettres d’Iwo Jima, Clint Eastwood démontre un peu plus qu’il est un réalisateur tout-terrain.
Supérieur à Mémoires de nos pères (j’aime beaucoup avoir le point de vue de l’ennemi durant le conflit, ça reconsidère parfois notre jugement) et clairement l’un de ses meilleurs films.


Note générale : 8/10

Créée

le 17 janv. 2021

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