J'ai beaucoup aimé les deux films précédents des frères Boukherma et sans avoir passé un mauvais moment devant Leurs enfants après eux, j'ai eu l'impression au visionnage qu'ils s'étaient un peu fait bouffer par l'ampleur du projet.


En effet, il s'agit d'un film de studio qui à l'origine était destiné à Gilles Lellouche et pour une fois avec les Boukherma ce sont surtout des acteurs professionnels qu'on voit à l'écran. On délaisse un peu la bizarrerie des personnages d'autrefois pour nous montrer des gens un peu plus lisses, alors que c'est adapté d'un prix Goncourt que je n'ai pas lu mais qui était très axé sur la dimension sociale du récit. Ici on se concentre davantage sur une romance même s'il y a un fond social évident, disons que c'est plus une toile de fond qu'autre chose. On retrouve en effet cette idée d'abandon du territoire à travers les plans sur les restes d'usines, le fait que c'est galère pour les personnages de trouver un emploi, et encore moins d'espérer un travail un peu "épanouissant" ou pas trop désagréable.


Il y a eu pas mal de soin dans le travail de reconstitution, notamment du côté des accessoires. Mais la volonté de cracher des références est si fortes qu'il y a forcément quelques anachronismes et ça m'a un peu dérangé, alors que je ne suis pas trop regardant là-dessus. Ce que je veux dire, c'est que c'est triste de reproduire des paquets de clopes ou des bouteilles de Coca-Cola d'il y a 30 ans mais de se griller avec un T-shirt Staind porté par le protagoniste trois ans avant la formation du groupe. Cependant côté anachronisme je trouve que le choix de passer la version symphonique posthume d'un titre de Johnny Hallyday donne plus de grandeur à la scène qu'en passant par la version originale.


D'ailleurs on peut parler de la musique qui est très présente dans le film : elle est surtout centrée sur les années 70-80. Il y a beaucoup de tubes, deux sont d'ailleurs en version piano-chorale qui laisse l'impression bizarre que les droits des versions originales n'ont pas pu être obtenus. Il y a aussi quelques titres plus ou moins cultes de cette époque avec les Red Hot Chili Peppers, Metallica ou encore NTM et Francis Cabrel.


Si l'image est magnifique avec un soin spécifique apporté à la lumière, le côté plus rustique de l'image des frères Boukherma m'a un peu manqué. Ici c'est beaucoup plus esthétisé. J'ai bien aimé l'idée d'ancrer une fête chez des bourges façon American Pie en France. Ça ne s'articule pas tout à fait de la même manière, je n'ai personnellement jamais eu l'occasion de participer à une telle soirée, mais j'arrive à croire à ce que je vois. C'est débridé mais ça contourne habilement ce qui aurait donné un côté too much façon teen movie américain. D'ailleurs il y a une autre représentation de soirée dans le film un peu plus tard, un pur bal populaire cette fois. Et là, les Boukherma ne cherchent pas du tout à rendre ça sexy en filmant les pieds des gens qui dansent dans des plans rapprochés notamment.


L'idée de suivre le personnage qui est bloqué et non ceux qui évoluent ne m'a pas vraiment réjoui. Le film dure 2h20, il a donc fallu faire des choix et j'imagine que ça vient en partie du livre, mais Anthony ne m'intéresse pas vraiment. Son père oui, il est touchant. Son plan cul aussi parce que les frères Boukherma savent toujours quoi faire avec Christine Gautier.


Mais surtout, le "rendez-vous manqué" pour moi ce sont deux autres personnages qui ont droit à quelques minutes de développement individuel chacun, à savoir Hacine et Steph. On peut justifier ce développement ridiculement fragile par bien des raisons, mais ça m'a sincèrement frustré de ne pas en savoir plus sur eux parce que comparé à l'ahuri qui ne transmet pas grand chose qui sert de protagoniste, il y avait des choses à dire et à montrer autour d'eux.


La direction d'acteurs en elle-même est plutôt bonne. Je ne suis pas fan de Paul Kircher que je trouve un peu trop vieux pour ce rôle-là, et surtout j'ai du mal à piger pourquoi il est si décalé par rapport aux autres dans sa façon de jouer. Dans Le règne animal je comprenais, c'était un adolescent qui se transformait littéralement. Là il a la vingtaine mais joue un ado qui ne bouge pas malgré les années qui passent. Il est en boucle sur une fille qu'il trouve belle et dans une moindre mesure sur un arabe qui n'a pas été sympa avec lui et c'est tout. Par pitié aussi éloignez Raphaël Quenard des plateaux pendant au moins un an, il est à l'affiche de huit films français cette année et c'est le cinquième que je vois. Je n'ai pas eu l'impression que son personnage était indispensable en plus, ça pouvait être contourné.


Enfin un autre aspect risqué du film c'était forcément l'intrigue étalée sur 4 étés tous les deux ans. C'est trop écrit et structuré pour se contenter de ne jamais aboutir sur quoi que ce soit et malheureusement c'est un peu ça. À chaque saut de deux ans je me disais "Ah, c'est tout ?". J'aurais accepté qu'il s'agisse de tranches de vie marquées par certains événements si le film avait été un peu plus écrit comme une succession de tranches de vie. Or là j'ai eu l'impression d'être mis face à des chapitres, des étapes, mais où ça navigue un peu à vue quand même.


En bref tout ça vient sans doute en grande partie du roman et du contexte assez différent dans lequel le film a été tourné contrairement aux précédents longs-métrages des frangins, mais j'ai trouvé ça juste un peu plaisant alors qu'il a été annoncé je pensais vraiment que ce serait l'un des plus beaux films français de l'année.

GuillaumeL666
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le 13 déc. 2024

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Guillaume L.

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