À l'exception d'un chapitre tronqué, l'adaptation du roman de Nicolas Mathieu par les frères Boukherma respecte l'œuvre originale à la lettre, accompagnant le scénario d'une mise en scène simple et efficace et d'une B.O. culte des années 90 que le compositeur reprend et réarrange habilement jusque dans la musique du film, qui file à un rythme ni trop rapide ni très lent, fidèle au roman.
Sur fond de désindustrialisation lorraine, le teen movie social des frères Boukherma n'a rien avoir avec Teddy ou L'année du requin, et c'est tant mieux. Si elle manque un peu d'émotions, à l'image de L'amour ouf, autre film d'adolescents sur fond de désindustrialisation dans le Nord de la France et produit par le même duo Attal-Sélignac mais avec bien moins de réussite, la version lorraine de l'Histoire décrit mieux, et avec moins de clichés esthétiques ou scénaristiques, l'absence de perspective d'une génération d'enfants d'ouvriers privés d'usine. Les transformations physiques des personnages, Anthony (Paul Kircher) et son père (Gilles Lellouche) en tête, sont de plus en plus stigmatisées par cette absence de vision future. Et le couple Kircher-Woreth n'a pas de réelle alchimie, comme deux jeunes perdus dans une région sans âme où l'on s'emmerde vachement.
Le point le plus fort du film est donc ce 14 juillet 1996, lorsque le fils, sur le point de partir à l'armée, concrétise enfin son amour avec Steph, sous les yeux de son père, violent, frustré, divorcé, alcoolique et physiquement ravagé. Leurs enfants après eux est une histoire de paternités et de filiations (celles d'Anthony et de Hacine, son rival immigré) c'est-à-dire une histoire de reproduction sociale, là où L'amour ouf était une histoire de délinquance faussement rebelle et de bête réinsertion dans la société capitaliste. Le constat semble plus amer et plus juste en Lorraine.
Paul Kircher excelle dans son jeu qui évolue littéralement vers la maturité. Serait-ce aussi le film mûr des frères Boukherma ? Peut-être un peu trop lisse, la mise en scène est sérieuse mais prend donc moins de risques ou de libertés (à l'instar de l'extrême fidélité au roman).