Le titre annonce la lutte apocalyptique d’un jeune veuf quadra, petit propriétaire d’une maison et d’un lopin de terre abritant sa famille depuis 3 générations, vivant avec sa compagne et son fils. Si les films indiens contiennent souvent plusieurs histoires en une, avec un style coloré, romantique et dansant, cet effroyable drame russe de 2h20 en dévoile deux, mais dans un mode d’immensité glacée, mortifère et sauvage, à l’image d’une magnifique photographie du nord côtier de la Russie.
Pressions, intimidations, chantages, menaces, agressions, noyades sous les complications administratives, judiciaires, pénales, sociales, politiques et municipales, sciemment étudiées pour écraser les hommes dans la légalité et la guerre des nerfs, habitent une saisissante mise en scène. La victime doit pourtant se battre et se débattre pour conserver son bien, convoité par un maire crapuleux et ses complices cravataires, religieux et policiers, parfaitement représentatifs du banditisme aux manettes de tout. Un ancien frère d’armes, avocat à Moscou, et dont les méthodes plus civilisées n’en demeurent pas moins vicieuses, vient l’aider à naviguer dans ces marécages tout puissants. Parallèlement, la dégradation de sa famille s’accélère depuis que son fils ne tolère plus sa belle-mère, rêvant de quitter cette province, surtout depuis qu’elle joue un jeu trouble avec l’avocat.
Bureaucratie omnipotente, complications méthodiques, alcoolisme généralisé, culture de la corruption brutale et du non-dit menaçant que tout le monde entend, complicités entre clans policiers, politiques et sacerdotaux, palabres et hurlements, immobilisme volontaire et jeux truqués d’avance, ne peuvent qu’en appeler à la rage, la révolte ou à l’abrutissement impuissant. Andreï Zviaguintsev brosse un drame social, politique et affectif sombre et sans concession, à la fois intense, poignant et militant. La différence de style de cinéma ne choque pas et captive même par la clairvoyance de détails qu’on ne peut pas clairement pas inventer quand on n’est pas du pays.

etiosoko
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le 11 mai 2018

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