Jacen - Etrange trip in North Korea

Liberation Day (2016)

Réalisateurs : Ugis Olte, Morten Traavik.

Groupe : Laibach

Mots-clefs : Slovénie ; Corée du Nord ; Rock ; Grosse paire de…

Le pitch :

2015 - Devenu directeur culturel, un ancien fan de Laibach, le célèbre groupe slovène de rock conceptuel, organise un concert à Pyongyang, la capitale de Corée du Nord… À partir du pari complètement fou d’un amoureux du rock, nous suivons la mise en place d’un véritable choc des cultures sur fond de dictature et de musique industrielle. Perdue entre Ubu et Kafka, cette fable subversive est l’œuvre de deux passionnés : Uģis Olte (Double Aliens) et Morten Traavik. À la fois drôle et grinçant, Liberation Day se permet même de bousculer nos a priori sur la Corée du nord.

Premières impressions :

La 23éme édition de l’Etrange festival a ouvert ces portes à Paris aujourd’hui même et tandis que de nombreux spectateurs se battaient pour voir « Kodoku : Meatball Machine », un obscur film d’horreur japonais aux costumes douteux, je jetais mon dévolu sur « Libération Day », un documentaire qui nous fait vivre l’organisation d’un concert de hard rock en Corée du Nord. Et bordel, que j’ai bien fait ! Ce documentaire est tout bonnement exceptionnel et c’est certainement un des meilleurs films qu’il m’ait été donné de voir. Le projet est dingue, les conditions de tournage sont dingues, la musique est dingue, le montage est dingue et le résultat est mieux encore.

Bien entendu, un groupe à l’iconographie nazillone façon Rammstein qui organise un concert dans la dictature d’inspiration communiste la plus fermée du monde, ça attire forcément la curiosité, mais il y avait tellement de façon de se planter que je n’attendais pas grand-chose de ce film. Avant séance j’imaginais un truc subversif, un gros coup de com’ soignant l’image infréquentable du groupe, un machin bouffi d’orgueil tirant péniblement quatre images de Pyongyang, ou encore un reportage assez lisse façon film de vacance, mais je me trompais lourdement.

Liberation day est une ode à l’humanisme et au partage, un film qui nous montre réellement les coulisses de l’organisation d’un tel projet avec tout ce que cela suppose de galères, de censures, d’incompréhensions, de trouille même… mais surtout de courage, de diplomatie, de bonne volonté et d’humanité et ce, des deux côtés d’une frontière quasi infranchissable. Le suspense, la peur, la curiosité, le soulagement… Les émotions s’enchaînent sans nous laisser une seule minute de répit grâce à un formidable travail de montage. J’ai immédiatement été happé par le film, qui m’en a mis plein les yeux et les oreilles pendant une heure et demi, mais qui, surtout, m’a fait me poser pas mal de questions. Vraiment, ce que ces mecs ont fait est tout bonnement exceptionnel.

La grande force du film est d’avoir réussi à rester neutre face au régime nord-coréen, de n’être pas tombé dans la propagande ni dans l’anti-propagande, de n’avoir jamais sombré dans l’angélisme ou la diabolisation mais d’avoir su montrer autant les difficultés, la censure et l’environnement ultra contrôlé que les moments d’échanges, les moments de compréhensions et les moments d’ouvertures aux autres. Cependant n’allez pas croire que le film n’a pas de message pour autant car il a le plus beau qui soit, celui de chercher ce qui rapproche et non ce qui divise. Parce que si le groupe Laibach vit un moment extraordinaire, il est clair que les nord-coréens associés au projet vivent aussi une expérience unique. Le visage des nords-coréens découvrant le hard rock est indescriptible.

Bref, je vous exhorte à laisser vos préjugés au placard et à courir voir ce film d’une façon ou d’une autre car il offre une expérience rare. En se plaçant à l’échelle de l’individu, en ne s’appesantant pas sur les questions politiques ou morales, Olte et Traavik nous offrent un documentaire extraordinairement intelligent. Faîtes vous votre propre idée et laissez de côté les critiques outrées qui y verront un documentaire complaisant avec le régime.

Sachez que le film repasse le dimanche 17 septembre prochain au forum des images et que ce sera peut-être la seule fois où il sera visible en salle. Le film est en anglais et sans sous-titre mais il vaut largement l’effort. Prenez le risque de bousculer vos certitudes.