A travers le portrait d'une opposante au fascisme, c'est l'Italie des années 30-40 qu'on observe. Claudia Cardinale joue une femme rétive au régime Mussolinien, quitte à s'habiller de rouge en opposition aux tenues noires arborées par les Italiens. Sa liberté de ton et de penser donne beaucoup de soucis à son mari, couturier, qui doit contraindre à déménager régulièrement la famille sous menace de représailles.


Mauro Bolognini montre un personnage admirable, qui jusqu'au bout pour ses convictions, qui en paiera par plusieurs fois le prix fort, mais qui restera toujours droite. Libera Amore Anarchia (ce sont ses trois prénoms, choisis par un père lui aussi anarchiste) est incarnée par une magnifique dans tous les sens du terme) Claudia Cardinale, dont l'incandescence se manifeste dans son rapport aux autres, son mari passif, son entourage qui la voit d'un mauvais œil... Dans cette période trouble, le réalisateur va même avoir un moment mélodramatique magistral où Cardinale va cacher un opposant au régime, recherché mort ou vif ; au moment de se quitter sur le quai d'une gare, ils s'embrassent pour la première et dernière fois, conscients qu'il aurait pu se passer quelque chose, mais que c'est un court moment qu'ils n'oublieront pas. Le tout vu par le fils de cette dernière. Cette scène est magnifique, filmée avec pudeur, et avec une très belle musique signée Ennio Morricone.


On sent Bolognini violemment contre le fascisme, ce qui est normal, mais également par la présence d'anciens partisans du régime qui vont continuer à avoir des places prépondérantes dans la hiérarchie italienne. Ce qui sera dénoncé par les époux Klarsfeld dans les années 1960, mais à l'époque, la tendance était de fermer les yeux le plus vite possible sur cette période sombre et aller de l'avant, ce que le personnage de Cardinale ne supporte pas. Il y a aussi le personnage du mari, joué par Bruno Cirino, qui est touchant, car il reste passif par rapport à sa femme, n'en pense sûrement pas moins, mais est obligé de garder tout en lui pour continuer à travailler et pouvoir nourrir sa famille.


Liberté, mon amour, est un film à mon sens méconnu, qui est révélateur de son époque, car sorti à la même période que La jardin des Fizzi Contini, Nous nous sommes tant aimés, 1900, et plein d'autres oeuvres italiennes qui parlaient avec des décennies de recul du danger du fascisme qui semblait revenir. Et le fait de montrer cette époque par le prisme d'une femme combattive, mais pas combattante, est une idée formidable.

Boubakar
8
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le 23 nov. 2020

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