Pour lire en musique, Daydream des Lovin' Sponful
Libre et assoupi, libre et assoupi. Chouette titre, si il m'est permis de divaguer un peu dessus, avant d'entrer dans le vif, le paradoxe contenu dans l'intitulé m'intéresse. L'idée qu'on se fait souvent de la liberté, c'est celle des grands espaces, celle de faire ce que l'on veut, d'aller où l'on veut sans rendre de comptes à quiconque. Mais lie le à assoupi, et s'ouvre un chemin de la liberté qu'on envisage pas de prime abord. Pour les hyperactifs sociaux que nous sommes devenu, rester couché, c'est une sacrée perte de temps, on ne le ferais presque que contraint et forcé. Finalement, la liberté de ne rien faire dans un monde qui va à cent à l'heure, cette liberté de rester au pieu, de ne pas évoluer, de ne pas travailler, de rester comme prisonnier volontaire de sa torpeur, c'est une liberté rare.
C'est de ce postulat que part Benjamin Guedj pour son premier long métrage, mettant en scène un éternel adolescent de 29 ans qui, après avoir polit les bancs de la fac pendant dix ans, se voit gentiment mettre à la porte du domicile familiale en Bretagne. Retournant sur Paris, il trouve refuge auprès d'une ancienne condisciple, Anna (incarnée par la pétillante Charlotte le Bon et son adorable accent) et de son colocataire Bruno. Il tente alors de réaliser son idéal, passer son temps à rêver la vie plutôt qu'à la vivre. Entre RSA et pression sociale, il va devoir travailler dur pour pouvoir vivre libre et assoupi.
Toujours réticent quand il s'agit de film français, à fortiori en matière de comédie, j'ai été agréablement surpris. Pas bouleversé, certes, mais au moins intrigué. Intrigué par une mise en scène soignée, quelques passages intéressants soulignant le chemin à contre courant que suit Benjamin lorsqu'il lutte pour se frayer un passage dans une marée de salary-men en complet gris-noir. Intéressé par le rôle de Bruno et sa fixette malsaine pour sa colocataire, rôle tenu par un Felix Moati ma foi fort sympathique.
Reste Baptiste Lecaplain dont la performance en chantre de la fainéantise me laisse dubitatif, tant il semble à des kilomètres d'être le glandeur type. De plus, il est un narrateur médiocre, na :p.
Pour poursuivre dans les points négatifs, on ne peut s'empêcher de soupirer lorsque se dessine un énième portrait d'une génération Y en mal de repères déjà sur-représentée. Soupir lorsque l'on retrouve l'imprescriptible trio d'amis qui nous signale qu'on est sur un terrain déjà rebattu. Et malgré son parti-pris intéressant, le final de Libre et assoupi s'avère décevant. Là où je souriais et soutenais l’anti-conformisme indolent d'un Benjamin bien décidé à ne pas se laisser embrigader dans le monde malgré les protestations outrées des gens de bien, on se retrouve dépité arrivé à la fin. Benjamin à comprit, il rentre dans le rang, travaille à Conforama en tant que testeur de matelas (blague appuyée pour te montrer qu'il fait ce qu'il aime, dormir ;);) ) et croise (trop) opportunément la fille de ses rêves. Le voilà papa, buisness-man, tout va bien il est rentré dans le rang et s'est intégré à la société. Trois fois hourra pour le courageux Benjamin Guedj qui n'a pu assumer jusqu'au bout la nature de son personnage et n'a exposé son mode de vie que pour mieux en pointer les échecs. On se croyait devant une œuvre mettant en valeur une façon de vivre originale, marginale, on se retrouve devant une bête apologie de la vie standard de monsieur tout le monde.
Reste que certaines thématiques trouvent chez moi une résonance particulière et que je me prend à m'identifier au personnage de Benjamin. A l'heure où l'on doit faire des choix, où l'on existe socialement uniquement par son travail, moi qui arrive à la fin de mes études me suis souvent trouvé en proie au doute. Comme Benjamin, je m'imagines aisément mener une vie à buller dans mon coin, à ne me piquer de rien, à vivre librement. Comme lui me traverse cette peur de la vie active, la vraie vie active, j’entends, pas celle des petits boulots. Quitter les bancs familier de l'éducation nationale, faire le grand pas, rentrer dans un moule, avoir un bon travail, une bonne place, toutes ces préoccupations dont semblait se moquer Benjamin sont les miennes, et celle de mes semblables. Et la manière intelligente de souligner les travers de nos société qui ne jure que par travail et reconnaissance est finalement assez bonne.
Je ne voudrait ni encourager, ni débouter quiconque aurait envie de voir ce film. C'est une comédie honnête, les gags y sont sympathiques, les dialogues bien écrits, les acteurs pas mauvais, la thématique un brin originale. Reste que Guedj dénature complètement le message de son film avec une fin décevante. A voir, donc, pour se faire une idée.