Licorice Pizza apparait en surface comme une machine à remonter le temps. Le thème abordé ici se libère de la gravité ponctuant habituellement son œuvre. Paul Thomas Anderson serait-il devenu le nouveau Howard Deutch ? Se cantonner à la représentation d’une époque révolue à des fins nostalgiques aurait été un peu léger pour le cinéaste qui symbolise à bien des égards le renouveau du cinéma américain. C’est là pourtant que réside, selon ses dires, le gros de sa démarche.
En cet été 73 tout juste naissant, le soleil californien attise les esprits. Les salles de classes sont abandonnées avec entrain. L’optimisme et l’insouciance se font presque palpables. La caméra quant à elle s’obstine à suivre le pas souple et gracieux de la débutante Alana Haim. Un garçon de 10 ans son cadet, incarné par Cooper Hoffman et dont le rôle marque également les débuts au grand écran, l’étudie avec une curiosité propre à l’adolescence. S’ensuit un plan-séquence magistral rythmé par la pétulance de leurs premiers échanges. Mais cette désinvolture semble jouer un numéro d’équilibriste ; elle est fragile, menacée par le virage que s’apprête à prendre le pays.
C’est le film des oppositions : elle est une adulte en quête de sens, se laissant happer par une jeunesse frivole, naïve et fringante. Lui, au moyen de multiples tentatives entrepreneuriales, souhaite se faire une place dans le monde, convaincu que son succès en tant qu’enfant acteur lui confère un statut. Ils ont l’un pour l’autre une profonde admiration, frôlant par moments la jalousie comme dans cette scène lapidaire où elle lui rappellera que ses préoccupations sont encore bien puériles.
You’re talking about pinball machines, I’m a politician!
Bien qu’explosif dans son ensemble, le métrage n’est pas sans tare. Les différents épisodes permettant l’évolution de leur idylle amicale manquent de points de repère, comme si l’on avait voulu raccommoder un vêtement avec des tissus bigarrés. Certaines scènes traînent sans doute un peu trop en longueur. Chose curieuse, cette ribambelle hétérogène de scènes en fait aussi sa plus grande force. Le cinéaste s’applique à faire jaillir de chacune d’elles le plus grand flux d’émotions possible.
Il ne s’agit pas tant de deux amoureux jouant au chat et à la souris, quoique courir puisse se révéler utile à la veille de la crise pétrolière, mais de deux jeunes âmes lancées comme une météore dans le tourbillon de la vie, souffrant de leurs tâtonnements et trouvant dans l’autre un réconfort.