On pourrait tout envier aux années 70 : la société de consommation semblait encore parée de quelques bonnes intentions, la sexualité enfin débridée, et l’engagement humaniste s’imposait comme une priorité. Loin de notre ère désabusée des innovations, on s’amusait avec un flipper et l’on pouvait rire de tout sans se soucier du politiquement correct. Hollywood était en pleine mutation et s’exhibait par l’exubérance des stars déjantées.
Licorice Pizza est nostalgique sans être idéaliste. Paul Thomas Anderson répertorie les rouages de la décennie : jeunesse engagée, jetée vers un futur utopiste, les péripéties deviennent une suite d’événements seulement effleurés, l’intrigue disparaît dans un amas anecdotique. Le scénario prétend à l’errance imprédictible et se conclut sur une fin on ne peut plus clichée.
Si on peut attribuer une once de profondeur au film, elle n’est fondée que sur des clins d’œil qui ne sont pas forcément évidents pour une majorité de spectateurs (Jon Peters, Joel Wachs, Jack Holden…), ce qui rend l’interprétation limitée et cramponnée à des références didactiques. Licorice Pizza s’inscrit dans la tendance des films parodies d’Hollywood, industrie qui se contemple elle-même et rit de sa superficialité. Le film rend hommage aux années 70 tout en les démystifiant : l’homosexualité de Joel Wachs doit rester cachée, Hollywood s’empare de la révolution sexuelle pour faire du chiffre sur le corps de ses actrices, la crise pétrolière fait partir la jeunesse en roue libre. Les plaisanteries limites ne sont passables que parce qu’elles s’intègrent à un décor qui oscille entre le vintage et le ringard.
Que ce soit dans There Will Be Blood, Phantom Thread ou Magnolia, Paul Thomas Anderson nous avait habitué à saisir les relations humaines au climax de leur ambiguïté, et si on retrouve des tentatives similaires dans Licorice Pizza, elles sont plutôt ratées : la scène de l’appel téléphonique n’a rien d’original, les dialogues entre Alana et Gary sont bancals, et quelques plans s’empêtrent dans la niaiserie, comme le bref flash-back à la fin. De plus, si la relation entre les deux personnages est initialement présentée comme impossible à cause de leur différence d’âge, celle-ci se fait très rapidement oublier. Les dix ans qui séparent les héros se font en effet moins ressentir que la longueur du film : 2h15 de sketchs successifs pour quelques scènes assez drôles, qui rendent le divertissement supportable. Néanmoins, le tout ne fait preuve que de vacuité et enferme les années 70 dans une facticité.
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