J'avais quitté Paul Thomas Anderson sur l'amour aux accents tragiques de Phantom Thread. Sacrifié sur l'autel de l'obsession du détail et la recherche inhumaine de la perfection.
C'était il y a cinq ans.
Licorice Pizza s'envisagerait presque comme un contre-pied total de son grand frère, traquant la froideur maniaque de Daniel Day Lewis pour céder la place à la spontanéité gonflée du néophyte Cooper Hoffman et la défiance amusée de Alana Haim.
La romance entre ces deux-là est tendre, maladroite, en pointillés. Sur le tempo d'un fuis-moi, je te suis, ponctué de trois courses éperdues vers l'autre que l'on croirait presque évadées des archétypes de la comédie romantique. La différence d'âge importe peu. Lui, malgré ses quinze ans, a déjà la volonté de se frotter aux affaires en passant du coq à l'âne. Elle, malgré ses vingt-cinq printemps, semble déjà végéter dans une vie routinière.
Les deux s'aiment, eux non plus et vont s'éprouver l'un l'autre plus qu'être ensemble. Ils touchent à tout dans leur marivaudage attachant : vente de water beds, politique, monde de l' entertainment ou du jeu, soit déjà les préoccupations majeures des Américains des années soixante-dix.
Sauf que Licorice Pizza semble évoluer dans un décor presque irréel, dans un scénario parfois un poil décousu, mais qui carbure surtout au ressenti, aux sensations, aux micro événements aux allures de grandes aventures plus ou moins connectés, aux souvenirs minuscules de la période dépeinte entre news du choc pétrolier à la télé et les soirées incroyables.
Un environnement où les adultes responsables sont évacués rapidement de la scène, pour laisser la place à des jeunes qui édictent leurs propres règles et se jettent à corps perdus dans leurs envies. Ou une galerie de portraits et de seconds rôles bouffons, irréels, sortis d'une farce grotesque.
Ce monde déformé, ce passé enjolivé, cette exploration des souvenirs et leur revisite avec un sourire au coin des lèvres, Paul Thomas Anderson semble les mettre à la portée du plus grand nombre, le film étant assurément le plus accessible du bonhomme. Et peut être aussi le plus personnel. Un film dénué de mélancolie, mais solaire et amusé en forme de balade à la sortie du lycée, quand on pense encore que l'amour peut se saisir à pleine main au coin de la rue.
Licorice Pizza ressemblerait presque à un premier film, avec tout ce que cela suppose de candeur, d'optimisme et de croyance que tout peut arriver le temps d'un été. Et l'on penserait presque que Paul Thomas Anderson a fait, en 2022, son Once Upon a Time in... Hollywood.
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