Dès les premiers plans de "Licorice Pizza", les contours d'Alana Haim, le golden haze californien, l'OST tonitruante et le bitume brûlant nous téléportent dans un des rares espaces-temps où l'espoir étouffait encore la nostalgie, et où l'Amérique préférait encore essayer que de ne pas oser. Ce thème qui survole le film, à travers l'opposition constante entre l'entrepreneuriat, la liberté et le progrès d'un côté, et les néo-remparts de l'Amérique moderne de l'autre ; conservatisme, traditionalisme et État de guerre perpétuel en tête, attise le feu autour duquel dansent nos héros.
Outre les performances irrésistibles des newcomers Alana Haim et Cooper Hoffman, quel bonheur de retrouver coup sur coup Sean Penn (où étais-tu ?), Bradley Cooper et Benny Safdie, réalisateurs confirmés, devant la caméra de Paul Thomas Anderson. Dans leurs personnages se dessinent de multiples formes de masculinité, de secrets et de pouvoir qui tourbillonnent autour de Gary, et transforment l'été du garçon, bientôt devenu homme, en quête constante de différenciation dans la construction de son identité adulte.
Face à ces trois monuments, la musicalité et le rythme naturels d'Alana, et plus largement de la famille Haim, adoucissent et tempèrent le chaos ambiant. J'avais été prévenu, et pourtant : la plus jeune du groupe transforme l'essai, et ne laisse place qu'à l'enchantement. Sa confiance fragile inonde l'espace et l'écran, et paraît taillée pour la patine de Paul Thomas Anderson, dont la collaboration avec le trio semble être la plus enivrante depuis Daniel Day-Lewis. Comme dans le film, un mariage des générations qui fait des étincelles.
En bref, d'ores et déjà un candidat d'honneur pour le meilleur film de 2022, et une brise d'optimisme qui donne envie de retourner y passer deux heures, encore et encore.