Dès le titre, le ton est donné: ce film sera une douceur, une sucrerie étonnante.
PTA s'adonne ici à un genre qu'il a peu pratiqué, celui des amours adolescentes, en la personne de Alana, assistante photographe de 25 ans un peu paumée, et Gary, 15 ans, acteur en herbe et adolescent rondouillard et boutonneux.
Le premier amour étant un genre cinématographique usé jusqu'à la moelle, le défi pour chaque réalisateur est de parvenir à proposer quelque chose de nouveau et de personnel tout en cernant bien la magie et les désillusions de cet amour. PTA, non sans surprise, y parvient avec brio.
Dans ce film virevoltant, le spectateur est happé par le tourbillon de l'adolescence. La narration brouille volontairement nos repères spatiaux, temporels, narratifs. On passe de Alana à Gary sans transitions ou explications nécessaires. Leur histoire est celle d'un ping-pong narratif et sentimental, où l'amour se perd, se retrouve, disparait par ellipses puis revient subitement, dans une course effrénée, car oui Alana et Gary courent beaucoup dans ce film. Des choses loufoques viennent s'y greffer, des matelas à eau, des magasins de flipper, des campagnes électorales, mais tout ce décorum finit inévitablement par tomber pour laisser place au sujet principal du film, la découverte compliquée de l'amour.
La structure décousue du film est primordiale dans cette approche des premiers émois, car ce qui compte n'est pas le récit des choses telles qu'elles se sont passées, mais la façon dont on se souvient de cet événement qui marque tout être humain; les joies, les désillusions se confondent dans un sentiment unique que PTA reconstitue ici dans sa Californie des années 70
Les quelques ancrages historiques (crise pétrolière) plantent un décor, celui des années 70, de même que l'intermède loufoque avec Sean Penn ou franchement surréaliste avec Bradley Cooper, mais ce décor échappe à la seule nostalgie d'une époque révolue ou à la multiplication de références cinéphiles, comme avait pu le faire (mal) Once Upon a Time in Hollywood de Tarantino. On y voit les premiers signes du déclin américain, le Vietnam, la crise pétrolière, mais ce déclin tranche d'autant avec l'insouciance et la fougue des deux adolescents. Cette fougue est portée par une réalisation fleuve, avec beaucoup de travelling accentuant l'impression de mouvement incessant d'un âge où l'on se transforme, et avec beaucoup de plans serrés sur les visages, mettant en valeur un jeu d'acteur exceptionnel des deux vedettes. La bande-son composée de tubes des années 70, illustre parfaitement cette ambiance.
Licorice Pizza est un doux moment de cinéma qui, par une histoire anecdotique décousue, cerne avec beaucoup de bienveillance cette période charnière de l'adolescence sans jamais tomber dans la niaiserie ou le sentimentalisme.