Licorice Pizza, de Paul Thomas Anderson, est l’une des plus belles rencontres du cinéma qui n’ait jamais eu lieu.
Le début était prometteur. L'ouverture en plan séquence captive d’entrée, introduisant ses deux personnages attachants et les obstacles à leur relation avec brio.
Alana et Gary sont atypiques, hors des cadres habituels des comédies romantiques, et posent très vite les bases d’une histoire d’amour complexe, qui brille par son originalité et sa naïveté. Les interprétations d’Alana Haim et de Cooper Hoffman y sont pour beaucoup. Ils sont justes et nous emportent très vite partager leurs envies de jeunesse.
Mais voilà, au bout de 30 minutes de grand cinéma, Gary et Alana se sont déjà tout dit. Le réalisateur s’enlise, et l'histoire fait du surplace.
Oh, Paul Thomas Anderson ne ménage pas ses efforts. Il possède un talent incontestable pour créer des situations et manier les dialogues. Régulièrement, il apporte à l’intrigue de nouveaux personnages secondaires hauts en couleurs, essayant de produire une étincelle qui fera décoller le film. On suit avec plaisir de très belles scènes : chez Barbara Streisand avec Bradley Cooper, dans la jungle avec Sean Penn, en campagne municipale avec Benny Safdie… Les personnages secondaires se succèdent et apportent avec eux folies et rebondissements.
Mais à chaque fois, on ne peut s’empêcher de ressortir perplexe de ces saynètes. L'œuvre globale s’allonge, sans prendre d’épaisseur, et s’apparente à une collection de courts-métrages. Toutes ces situations ne servent qu’à détourner les projecteurs et les braquer sur ces stars unidimensionnelles qui, tel un Abra croisé dans les hautes-herbes, sont de passage et disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, sans même prendre le temps de donner une fin à leurs aventures.
Comme nous, Alana et Cooper restent spectateurs de ces séquences, malgré les efforts d’Anderson qui s’acharne. Il essaye et réessaye, bégaye et tourne en boucle. Gary lance trois business différents, Alana tombe en pâmoison devant son cinquième bellâtre… Tous deux gâchent leur temps dans des quêtes annexes, mais l’histoire principale n’avance pas. Nos deux héros ne se parlent pratiquement pas du film, et ni Alana ni Gary ne ressortent changés ou affectés du cirque qui se déroule à leurs côtés. Leurs motivations, leurs envies, leurs obstacles restent les mêmes, et leur relation n’évolue pas, jusqu’aux trente dernières secondes où Anderson sent qu’il va falloir faire avancer son Happy Ending et impose à Alana un volte-face renversant sans justification, qui tombe complètement à plat.
Il est étonnant de voir Anderson alterner entre des scènes très justes, et démontrer dans la foulée aussi peu de subtilité et d’authenticité. A trois reprises, le réalisateur souhaite montrer l’émotion qui s’empare du jeune couple. Pour cela, il lance ses personnages dans des scènes d’une niaiserie surréaliste où il les fait courir cheveux aux vents et sourires aux lèvres, l’un vers l’autre ou dans le même sens, de plus en plus vite, sans aucun but, sur des musiques aspirationnelles. Courir l'un vers l'autre c’est donc ça le transport amoureux?
Reste au final un film agréable à suivre et qui propose d’excellent passages, mais malheureusement une histoire d’amour sous-exploitée et qui promettait tellement plus qu’on ne peut s’empêcher de ressortir un peu déçu. Tout bien réfléchi, c'est représentatif de beaucoup d'histoires d'amour...