Lifeboat fait partie de cette catégorie de films d'Alfred Hitchcock, qui a été boudé par la critique à sa sortie, avant d'être réhabilité avec le temps. L'action prend place dans un seul et unique décor, un bateau. Le travail sur le cadrage est extrêmement efficace, jamais un seul plan ne ressemble à un autre et jamais on ne se sent enfermé dans ce décor unique. On est tout le temps avec les survivants du navire transatlantique qui a été attaqué par un sous-marin allemand. Le film démarre avec les survivants et on finit avec eux.
Lifeboat est donc un pur film de survie. L’équipage qui monte à bord canot de sauvetage, après le naufrage du paquebot, présente un groupe hétéroclite de personnages, de statuts sociaux différents, de sexes différents, d'âges différents et même de nationalités différentes ... mais tous sont "plus ou moins" unis et soudés face à l'adversité. Il aurait été hautement improbable que tous ces personnages se rencontrent un jour en dehors de circonstances exceptionnelles (comme ici).
Les personnages sont tous clairement définis. Nous avons Connie Porter (Tallulah Bankhead) une journaliste glamour, la première à monter dans le canot de sauvetage juste après le naufrage. En fait, sa performance est peut-être un peu trop théâtrale, mais en même temps elle a été choisie pour ça (elle vient du théâtre), afin de communiquer la sophistication du personnage. C'est probablement le personnage auquel on s'identifie le plus, car c'est elle qui va le plus évoluer au cours du film. Peu à peu, elle est réduite à néant puisqu’elle perd tous ses biens matériels si chers à elle, sa caméra, son manteau en vison, sa machine à écrire et son bracelet ... ceci afin qu'elle accepte la réalité de la situation.
Willy (Walter Slezak) est le rescapé du sous-marin allemand (et donc lui-même allemand) que le groupe récupère et sauve en dernier. C'est l'autre personnage essentiel du film, à la bonhommie apparente, mais bien fourbe comme il faut. Nous savons depuis le début qu’il cache des choses aux autres occupants du canot de sauvetage, mais en même temps il leur offre une aide si précieuse.
Pour le reste du casting, Kovac (John Hodiak) est le marin le plus charismatique (et tatoué) qui prend tout de suite le commandement. Gus (William Bendix) est le marin blessé à la jambe qui ne veut pas entendre parler d'amputation. Rittenhouse (Henry Hull) est un homme riche, qui se rend bien vite compte que son argent ne vaut rien, si bientôt ils ne sont pas retrouvés. Nous avons aussi une mère et son enfant, un homme noir au visage angélique et un couple que va trouver l'amour sur le canot de sauvetage ... ce qui nous fait donc neuf personnages (ceux présents sur l'affiche du film) sur le bateau, mais je vous préviens tout de suite, tous ne vont pas survivre.
Tout au long de sa carrière, Alfred Hitchcock a toujours eu la volonté d’expérimenter, plutôt que de simplement s’en tenir à une formule éprouvée de film en film. Bien que tous ses films expérimentaux ne soient pas toujours à la hauteur de ses plus grandes réalisations, ils valent toujours la peine d’être vus. Comme dans la grande majorité des films du maitre du suspense, Lifeboat est bien film à concept et c'est à partir de ce concept (film de survie en huit-clos) qu'il construit un drame psychologique terriblement efficace.
C’est un film assez intéressant à plusieurs égards, notamment pour voir comment Alfred Hitchcock arrive à tirer profit d’un seul décor. Dans un cadre aussi simple que celui de Lifeboat, il arrive quand même à y poser sa patte. Les personnages sont intéressants, crédibles et surtout, l’histoire est pleine de suspense et de rebondissements. En prime, il y a l’une des apparitions les plus attendue d’Alfred Hitchcock, puisqu'il ne pouvait pas être sur le canot de sauvetage. Attendez-vous à être agréablement surpris par son caméo, c'est probablement la plus inventive, drôle et réussie de toutes ...
Alfred Hitchcock fait son apparition à l'intérieur du journal lu par Gus, dans une photo de lui "avant" et "après" pour une publicité Reducto ... https://cdn.britannica.com/34/90734-050-C1C9B517/William-Bendix-Lifeboat-Mary-Anderson-Alfred-Hitchcock.jpg
Les deux photos de lui étaient authentiques car il venait de suivre un régime (mais pas avec l'aide de Reducto).
Lifeboat est un film d’Alfred Hitchcock qui mérite d’être vu et qui surtout mériterait d'être plus reconnu. Mis à part chez les plus grands connaisseurs du maitre du suspense, j’entends très rarement parler de ce petit bijou. C'est d'autant plus dommage, qu'il vaut bien certains de ses plus grands films.