La Seconde Guerre mondiale a suscité des tombereaux de films de propagande, immédiatement oubliés. L’un des rares à avoir conservé un intérêt est le cynique Lifeboat d’Alfred Hitchcock.
Le maître livre une comédie de mœurs savoureuse : chacun des rôles des naufragés est brillamment écrit et joué. Hélas, avouons que le méchant est fort embarrassant. Un mal-être étreint les spectateurs dès la sortie de la projection. Ce n’est pas faute de ne pas respecter les termes de la commande : le nazi est abject et les Américains vainqueurs à la fin… Le grand John Steinbeck ne s’y trompera pas : bien qu’il ait signé le scénario, il désavouera le film.
Posons la situation. Neuf civils rescapés d’un torpillage se réfugient sur un canot au milieu de l’Atlantique. Ils recueillent un Allemand, qui s’avère être le commandant du U-boot qui vient de les couler.
Fascinant Willy (Walter Slezak) qui, bien que captif, prend l’ascendant sur le groupe. Véritable surhomme, notre aryen, chirurgien dans le civil, coupe la jambe du marin gangrené, sauve le canot de la tempête, rame infatigablement vers son lieu de rendez-vous. Il triche, manipule et assassine le malheureux qui lisait dans son jeu… Mais, n’est-il pas aussi le seul capable de les sauver ? Il ment, mais n’est-il pas officier et ses actes ne répondent-ils pas d’une morale de l’efficacité militaire ? Il reconnait avoir fait canonner les embarcations de sauvetage, mais les alliés ne n’agiront-ils pas de même à la fin du film ?
Seule une sauvage réaction libérera nos héros de l’envoutement. Unis, ils le tueront.