Richard aime Kai et Kai aime Richard. Kai aime son odeur aussi, il le lui a dit une fois. Et puis Kai meurt soudain, renversé par un chauffard. Kai n’avait pas encore révélé son homosexualité à sa mère, Junn, ni qu’il était en couple avec Richard depuis quatre ans (mais Junn le savait-elle déjà, l’avait-elle déjà compris ? Préférait-elle le taire, le refuser peut-être ?). Junn et Richard, face à la disparition de l’être aimé, vont devoir apprendre à se découvrir et admettre la vérité de leurs sentiments, celle de leurs rapports qu’ils avaient avec Kai et de la place qu’ils occupaient dans le cœur de celui-ci, tiraillé entre son amour profond pour Richard et celui, inébranlable, pour sa mère. C’est justement ce lait de la tendresse maternelle qui a toujours empêché Kai de s’assumer auprès d’elle : peur de la blesser, de la voir se braquer, s’éloigner de lui, ou pire encore.
Lilting, c’est une histoire de souvenirs, de transmission et de fantômes qui refluent par flux, en cadence et en douceur. Histoire d’avenir aussi qui se redessine lentement, par la force des choses, malgré elles. Avenir plus serein pour Richard et Junn, obligés désormais de vivre sans Kai dont l’absence écrase, s’impose. Mais cette rencontre entre la mère et l’amant secret, difficile, contrariée et soutenue par Vann, traductrice assurant la liaison entre les deux langues (entre deux mondes), est trop souvent gênée par celle, accessoire presque, inutile surtout, entre Junn et Alan, vieux monsieur un peu libidineux croisé dans cette maison de retraite dans laquelle Junn se sent coincée et qu’elle n’aime pas, elle la déracinée, en manque de son pays qu’elle a quitté pour suivre son mari.
Mélo aimable et gracile, le film de Hong Khaou a quelque chose d’affecté, engoncé dans une délicatesse qui finirait presque par agacer. C’est une boule de coton qui sent l’hortensia et la camomille, et que l’on rêve de jeter à la boue. L’émotion des échanges autour de la mémoire de Kai (Lilting est un film de paroles, un film de mots qui se répondent, qui se permutent) et des liens ténus qui se nouent entre Junn et Richard (très belle scène où ils n’ont même plus besoin de Vann pour se parler, s’exprimant sans doute sans se comprendre, mais se comprenant par le regard et par les gestes), ne suffit pas à contrer ce côté mignard que le film paraît cultiver à dessein, mais qui le dessert pourtant. Heureusement il y a Ben Whishaw, intense, qui sait magnifier chaque bouleversement, embellir chaque sourire, sauvant en partie le film d’une espèce de sensiblerie généralisée, très collante.