Limbo, c'est un peu un mix entre Seven (pour le côté enquête dans une atmosphère pluvieuse) et Tetsuo (pour le N&B et l'aspect urbain à la matérialité très chaotique). C'est ce qui m'a frappé d'emblée, et qui m'a séduit. L'affiche française du film résume bien le propos du film : plonger le spectateur dans un enchevêtrement de fils électriques, de caissons de climatiseurs, de gouttières et de détritus. Beaucoup de détritus d'ailleurs puisque qu'une part non négligeable du travail des flics va être de faire les poubelles, littéralement. Et au-dessus eux, la plupart du temps, une pluie diluvienne. Rien d'aimable donc pour leur faciliter la tâche, c'est-à-dire identifier et arrêter un tueur de femmes qui a la manie de leur couper des membres et de les balancer dans des poubelles.
Le duo d'enquêteurs est fait selon le modèle du good cop / bad cop, ce dernier ayant une dent particulière envers une jeune voleuse (excellent personnage) qui, un jour, a renversé sa femme avec une voiture. Aussi bien l'enquête est-elle parasitée par la rumination de cet enquêteur qui ne pige pas pourquoi la jeune femme, désireuse de se faire pardonner, ose l'implorer de la laisser l'aider dans son enquête, et ainsi d'être définitivement quittes. Double rumination d'ailleurs puisque l'autre flic, lui, est tenaillé par une rage de dent (d'ailleurs, il aurait été sans doute plus malin de traduire le titre selon le titre original, "Zi Chi" soit "Dent de sagesse", la sagesse étant une qualité que les deux flics vont véritablement devoir trouver).
Bref, dans ces conditions, on se doute que l'enquête va être un rien fiévreuse et il est inutile d'espérer une enquête aussi cohérente qu'un épisode de Columbo. J'ai pu lire que certains reprochaient au film des incohérences, en faisant un quasi nanar. Absurde. On est dans une sorte de voyage au bout de la rouille avec son lot de visions apocalyptiques, une quête de lumière et de rédemption, un hyperréalisme poétique au détriment d'un réalisme scénaristique. Si on comprend cela, on goûte alors avec délice cette plongée dans un Hong-Kong déshumanisé mais photographiquement à tomber par terre.